Quatre ans après un album qui se voulait un retour aux sources, délaissant la pop FM qui lui avait pourtant ouvert les portes de la renommée et assuré un public fidèle et nombreux, Elton John prend de nouveau le risque de déstabiliser celui-ci en s’associant avec son ami et mentor Leon Russell. L’homme a joué avec, et parfois composé pour, des artistes aussi populaires que George Harrison, Eric Clapton, Joe Cocker, les Rolling Stones, Bob Dylan, Ringo Starr, Frank Sinatra, les Beach Boys… liste non limitative !
Si "The Captain & The Kid" était interprété par une formation resserrée ressemblant au groupe dont aimait à s’entourer Elton John au début de sa carrière, le subtilement nommé "The Union" dispose d’un casting pléthorique puisqu’outre les deux protagonistes principaux se côtoient pas moins de vingt-sept musiciens et quatorze choristes au sein desquels on retrouve des noms prestigieux comme ceux de Neil Young et Brian Wilson.
Les expériences passées ont prouvé que les disques d’Elton John sur lesquels l’effectif était pléthorique n’étaient pas toujours les meilleurs, les orchestrations s’avérant souvent trop envahissantes. Bonne surprise, ce n’est pas le cas sur cet album où les chorus de cuivres et les chœurs restent discrets derrière les deux chanteurs. Ceux-ci se partagent les titres, intervenant fréquemment à tour de rôle sur une même chanson et plus rarement en solitaire. Si le timbre de Russell est nasillard, la voix d’Elton John n’est pas au mieux, plus grasse qu’à l’ordinaire et peinant à insuffler l’émotion qu’elle sait pourtant si bien distiller d’habitude.
Les compositions sont également réparties entre les deux interprètes, avec un net avantage pour Elton John (dix pour lui contre six pour Russell, deux titres étant composés en commun). Que vous soyez adeptes du rocker du début des années 70 ou du faiseur de tubes pop des années 90, vous aurez bien du mal à retrouver le musicien auquel vous êtes accoutumés : la plupart des chansons sont des rock’n’roll old school très basiques (‘Hey Ahab’, ‘Monkey Suit’, ‘A Dream Come True’) ou tirent vers une country très marquée (‘Hearts Have Turned to Stone’, ‘Jimmie Rodgers' Dream’, ‘In the Hands of Angels’). Les musiques sont typiques des styles abordés, sans surprise et parfois un peu lourdingues.
Bien évidemment, au vu du pedigree des artistes en présence, l’album réserve quand même quelques bons moments. Les mélodies mélancoliques de ‘Eight Hundred Dollar Shoes’, ‘The Best Part of the Day’, ‘I Should Have Sent Roses’, ‘Never Too Old (To Hold Somebody)’, sans être impérissables, sembleront familières aux fans du chanteur anglais. Le meilleur titre restant ‘Gone to Shiloh’, un soft rock sombre chanté par Neil Young dont on découvre toujours avec autant de bonheur les aigus fragiles.
Si "The Captain & the Kid" ressemblait à une cure de jouvence, "The Union" tient de l’album old school fait par des chanteurs sur le retour, comme si Johnny et Eddy avaient décidé de faire un bon vieil album de rock’n’roll : les mélodies sont datées et les interprètes vieillissants semblent poussifs. Difficile de retrouver Elton John dans tout ça. Mais l’homme qui n’a plus rien à prouver n’a pas eu peur de prendre des risques, quitte à se planter… ou juste à se faire plaisir.