Dans la poussière d'une demeure sans âge, le papier peint décollé pend le long des surfaces verdâtres, les rats dans les murs arpentent les dimensions alternatives peuplées de créatures innommables. L'obscurité gagne, distille les espoirs, les poils se dressent, la mort qui rode est le territoire de Witchery où les cauchemars hantent les chairs viciées. Ils sont légion ces blasphémateurs aux âmes noires ; ils sont multitude, dispensant un évangile blasphématoire ; ils sont infidèles et sans pitié dans leur combat avec les créatures de lumière.
Les guitares sont habillées de noir, la batterie épileptique défriche les terres arides, la voix perce les tympans, les envolées solitaires sont nombreuses, pleines de vélocité et de raffinement. En pleine descente infernale, nous sommes guidés par des borborygmes atroces, puis projetés dans un maelström incandescent ('Legion'). Le chemin maléfique d'un metal obscur débute en trombe, nous emportant avec des éructations démoniaques, des guitares ciselées ou une batterie véloce qui démultiplie les mesures.
Puis 'True North' s'ouvre avec des claviers froids aux harmonies corrompues, la guitare envoie des salves atroces alors que la voix navigue entre death et thrash. Parfois les passages de six-cordes sont submergés par le "delay", même si la guitare solitaire délivre des phrases ciselées avec art, riche en harmoniques.
Le groupe navigue sur les vagues d'un thrash relativement consensuel, et ce n'est pas 'Welcome, Night' ou 'Of Blackened Wings' qui vont nous prouver le contraire. En effet, même si elles misent sur des variations de tempos épileptiques, les compositions se suivent et se ressemblent, délivrant un magma continu glauque où aucune lumière ne semble transparaître.
Witchery nous offre avec "I Am Legion" un album opaque, glauque, noir et occulte. C'est un opus aux vibrations démoniaques, qui explose les tympans et tisse un chemin sombre et abrupt. Malheureusement, dans cette nuit de l'âme, nous pourrons perdre le fil ténu de la réalité ou être étouffés par cet enlisement musical. L'album, joué certes avec application, manque cruellement de variété ou de prise de risques, et pourra ainsi passer pour un énième sacrifice parmi tant d'autres.