Sa renommée circonscrite entre les murs de la seule chapelle métallique, Audrey Horne fait partie de ces groupes qui mériteraient de bénéficier d'une exposition plus grande encore. Car, auteurs d'une véritable formule magique, les Norvégiens possèdent entre les jambes tous les atouts pour séduire un public rock au sens large du terme et pas seulement ceux qui se souviennent vaguement que le groupe fut à l'origine le jouet d'une poignée de musiciens issus de la sphère extrême scandinave parmi lesquels l'actuel guitariste d'Enslaved, Arve Isdal.
Depuis treize ans, les albums se suivent, tous plus imparables les uns que les autres. Après un opus éponyme tavelé de touches plus progressives, "Youngblood" et "Pure Heavy" semblent avoir durablement fixé les ingrédients d'une recette irrésistible, énergique et suave, directe et décontractée, ce que confirme aujourd'hui "Blackout" et ce, de la plus jouissive des manières. Absent des bacs depuis plus de trois ans, le groupe y dévoile (encore une fois) une forme insolente.
Avec l'assurance tranquille de mercenaires qui n'ont plus rien à prouver, les Scandinaves crachent ce (hard) rock mélodique gonflé au Viagra auquel une vraie authenticité confère ce supplément d'âme et de charme qui permettra toujours à Audrey Horne de naviguer largement au-dessus de la mêlée, marque des grands, s'il en est. Techniciens hors-pair qui ont le Heavy avec un grand H chevillé au corps, ses membres se doublent de compositeurs habiles dont l'écriture fait mouche à tous les coups.
De fait, à l'instar de ses devanciers, "Blackout" aligne les hymnes avec une classe effrontée, ferrant l'auditeur d'entrée de jeu avec ce 'This Is War' qui lance l'écoute avec ses guitares jumelles dans la belle tradition du genre et que survole le chant puissant de Toschie. En six minutes et quinze secondes, le combo de Bergen balaie sa (trop) longue absence avec cette science implacable de la mélodie racée et accrocheuse.
Mais, immédiate, l'œuvre tire sa force de la variété de traits qui la colorent de touches chaleureuses. Classique et pourtant follement de son temps, cette partition chasse autant sur les terres du pur heavy metal ('Naysrayer', 'Audrevolution') que du rock gorgé de feeling, témoin ce 'Blackout' que ne renierait pas Thin Lizzy. Deep Purple n'est pas loin non plus, comme l'illustre le nerveux 'Light Your Way' sur lequel planent l'ombre du ténébreux Blackmore et le spectre de l'irremplaçable Jon Lord et ses claviers volubiles qui bavent de partout, sans que ces emprunts se révèlent encombrants.
Avec intelligence, Audrey Horne fait sienne ces influences pour forger un matériau qui n'appartient finalement qu'à lui, comme le démontre un titre tel que le trapu 'Satellite', porté par le chant survitaminé du sympathique frontman et irrigué par des guitares presque funky. Avec en sus, toujours, une espèce de mélancolie paisible qui ourle des compositions aux allures de travail d'orfèvre, à l'image de 'Midnight Man' ou de 'California' dont les atours musclés n'étouffent pas la beauté émotionnelle.
Sûr de son art, Audrey Horne ne déçoit pas, selon sa bonne habitude, accouchant sans jamais se départir de sa décontraction ni de sa sincérité d'un grand disque à la hauteur de son généreux talent.