La France est-elle en train de devenir l'autre pays du stoner ? Tout porte à le croire en effet à voir tous ces bûcherons venus (presque) de nulle part marteler du gros son avec énergie et générosité. Si l'on est tenté de compter SmokeHead parmi ces trublions velus aux dents longues, ce que tendent à justifier son nom aux relents épicés de fumette et les riffs trapus que ses deux gratteux moulinent avec largesse, le groupe illustre à sa façon, modeste mais hyper carrée, que cette étiquette ne signifie décidément pas grand-chose.
Parce qu'enfin, c'est quoi le stoner si ce n'est tout simplement du rock bien burné qui sent bon le désert chaud ? En ce sens alors oui, SmokeHead braconne effectivement sur ces terres lourdes et caillouteuses dont l'éloigne pourtant de facto la voix de son chanteur, certes puissante mais dénuée de ce grain enfumé habituel et si identifiable. De fait, à la place d'un énième clone de Fu Manchu ou de Kyuss, qui néanmoins aurait très bien fait l'affaire, on se retrouve face à un combo à l'empreinte sinon originale, au moins plus personnelle, lequel se fend avec "From The Abyss", que précédaient quelques brouillons, d'un premier jet gorgé d'une fraîcheur aussi appétissante que communicative.
Ciselées avec précision, ce ne sont pas moins de quatorze salves qui sèment avec un souffle pulsatif un post stoner (comme ses auteurs le nomment) aux atours efficaces et grungy. Déjà maîtres de saillies mordantes, les Français savent résumer leur propos en quatre minutes sans jamais s'égarer, grâce à une écriture aussi forte que nuancée.
Ce faisant, ils accouchent d'un album dont l'ennui est banni, émaillé de pièces d'orfèvre qui n'oublient pas d'être intelligentes, ne sacrifiant ni la pureté de modelés racés et encore moins une émotion fébrile qui transpire de ces lignes vocales expressives et appuyées, lesquelles soulignent les traits heavy brossés par des musiciens au diapason d'une puissance complice. Furieusement addictifs, tous les titres, auxquels le groupe, guidé par un constant souci mélodique, parvient toujours à greffer une accroche qui enfonce dans la mémoire des crocs profonds, sont percés d'excellentes idées, irrigués d'un jus électrique revigorant, souvent directs ('Contamined'), misant parfois sur des ambiances veloutées ('Desire').
Si vous avez de l'appétit pour du bon rock lourd et catchy, cette rondelle devrait vous rassasier !