NoLand est le projet d’Olivier Mellano, artiste de musiques contemporaines et multi-instrumentiste (guitare, violon, clavecin, chef d’orchestre...). Depuis longtemps, ce Breton d’adoption rêvait de composer un hymne typiquement folklorique usant de la puissance et du dynamisme que peut apporter un bagad et particulièrement ici celui de Cesson Sévigné. En outre, grand fan de Dead Can Dance, Olivier a fait appel aux services de Brendan Perry pour qu’il pose sa voix de baryton sur cet unique morceau de 40 minutes. L'Anglais, touché par la démarche, a accepté cette idée et c'est ainsi qu'est né le projet NoLand.
Se lancer dans ce genre de projet d’envergure est un pari osé qui peut parfois s’avérer compliqué car il faut composer pour pas moins de 30 artistes. Mais Olivier qui a déjà composé pour un orchestre n’a pas eu d’appréhension à se lancer dans l’aventure.
Il faut aussi souligner le fait que le projet est assez paradoxal dans le sens où il oppose le fond et la forme. En effet, il aisé de deviner, à l’appui de la traduction du nom du groupe, quel est le thème évoqué. NoLand est d’abord et avant tout un projet anti-identitaire. Le texte va d’ailleurs confirmer cette simple déduction parlant de prendre de la hauteur, de frontières qui s'estompent et affirmant que nous vivons dans un seul pays. Là où se situe le paradoxe c’est qu'Olivier va s’appuyer sur une musique très ancrée dans le folklore - pour ne pas dire régionaliste et identitaire - pour porter un sujet d’universalité, prônant l’absence de frontière et d’idée d’appartenance. Au-delà, cela va plus loin lorsque la thématique est placée dans le contexte actuel des réfugiés laissant à l’auditeur la possibilité de s’attribuer telle ou telle interprétation.
La force du projet réside ainsi dans la culture des ambivalences. La musique qui y est développée offre beaucoup de puissance usant des atouts des bombardes, cornemuses et percussions qui bâtissent un mur du son qui laisse peu de place à la nuance : c’est tout ou rien. Face à cette vague qui emporte tout sur son passage, les respirations trouvent leur source grâce à des pauses qu'adoptent les instruments à vent vers le milieu du titre. C’est sur cette force d’ensemble que vient se poser la voix grave et calme de Brendan qui contrebalance l’énergie musicale du bagad, autre paradoxe ! Le chanteur semble être faussement détaché de la mélodie, avec une amplitude presque divine, planant au-dessus de cette «symphonie bretonne» de façon presque désinvolte.
La voix de Brendan apporte un supplément d'âme à la musique de NoLand, une sagesse presque nonchalante, une gravité et une nuance face à une symphonie bretonne puissante à découvrir. NoLand doit être regardé à travers un prisme large, c'est essentiellement folklorique mais non caricatural, presque progressif par certains critères, s'il en fallait, comme la longueur du morceau et les strates qui s'enchainent. Un regret tempère cette vision dans le fait qu'il n'y ait pas quelques incursions guitaristiques ou quelques éléments de rock classique qui auraient permis une certaine fusion, un peu comme Seven Reizh. Mais tel n'était pas l'objectif initial du projet.