A l’occasion de leur vingtième année de carrière, les Norvégiens d'Arabs In Aspic profitent de cette période automnale pour réaliser leur sixième album, "Syndenes Magi". Derrière ce titre incompréhensible pour nous Français, ce nom de groupe curieux (signifiant "Arabes en gelée") difficile à interpréter et cette pochette énigmatique, que se cache-t-il réellement ? Découvrons-le sans plus attendre…
Dès les premières secondes du titre éponyme ouvrant l’album, nous voilà ramenés 40 ans en arrière avec cette lente et sombre introduction mystérieuse au mellotron rappelant celle de ‘Starless’ de King Crimson, le nom de leur album "Larks Tongues In Aspic" étant peut-être à l’origine de celui de la formation norvégienne. Cela n’aurait rien d’étonnant tant l’influence du Roi Cramoisi est prégnante au sein de cet album, à l’image des couplets envoûtants de ce même ‘Syndenes Magi’ aux allures de ‘Epitaph’ et de la longue expérimentation à la 'Moonchild' ou 'Providence' sur le titre ‘Morket 3’, où les claviers jouent là encore une importance cruciale, fidèles au son de l’époque.
Trois titres. Il n’en faudra pas plus au quatuor pour lui permettre de nous emmener avec lui dans son univers progressif psychédélique où l’on se laisse aisément emporter. Pourtant, l’exercice n’était pas gagné d’avance, le groupe étant plutôt habitué à délivrer des compositions courtes. Tout au long du disque, tous les ingrédients du bon vieux rock progressif du golden age des années 70 sont réunis : les chansons sont à rallonge ("seulement" 9 minutes 34 pour la plus courte) et truffées d’influences et de sections variées, les parties instrumentales revêtent une importance capitale, les claviers sont présents sous de nombreuses formes, et les compositions n’hésitent parfois pas à se hasarder dans des zones inconnues voire risquées.
Sur le plan vocal, c’est également une réussite. Les lignes de chant sont particulièrement bien trouvées et épousent à merveille les mélodies jouées. Au micro, Jostein Smeby n’en fait pas trop et il est porté par les chœurs de ses compères aux moments propices. Si le groupe avait déjà enregistré quelques chansons en norvégien par le passé, c’est en revanche la première fois qu’il propose un album intégralement dans sa langue d’origine, peut-être en guise de retour aux sources pour commémorer ce vingtième anniversaire. Les premiers mots du titre d’ouverture peuvent s’avérer quelque peu déconcertants tant le dialecte nous est étranger, mais l’oreille finit par vite s’y habituer, jusqu’au point où l’on n'y prête même plus attention.
L’album se clôt sur le très bon titre ‘Morket 3’, tout de même long de 20 minutes et 20 secondes, et pour lequel là encore, le quatuor ne peut renier l’évidente emprise que ses aînés progueux ont sur lui, à l’instar du solo hard-rock d’orgue Hammond à la Deep Purple qui rugit en milieu de titre, des couplets semblables à ceux de ‘Echoes’ de Pink Floyd et rythmés par des parties de guitare ténébreuse saturée rappelant un passage similaire sur le titre ‘Saturate Me’ de Riverside. Malheureusement, à trop vouloir en faire, les originaires de Trondheim se perdent quelque peu en route en fin de titre, où figurent 5 minutes de fioritures expérimentales dissonantes sans intérêt. 'Morket 3' aurait plus se finir au bout de 13 minutes qui étaient suffisantes à révéler pleinement le potentiel du groupe.
Les Scandinaves nous prouvent avec ce dernier opus qu'ils sont toujours dans le coup en délivrant un rock progressif 70’s bien rodé. Malgré leur vingtième bougie, ils demeurent malheureusement et injustement méconnus dans le milieu. Avec seulement trois titres au compteur composés en norvégien et aux durées inhabituelles pour le grand public, cela ne devrait pas être l’album qui devrait révéler la formation. Il n’en reste pas moins que ce dernier opus prouve bien qu’après deux décennies, il est toujours possible de sortir de (très) bons albums et cela nous suffira amplement à nous autres mélomanes !