L’approche des fêtes de Noël s’accompagne d’un regain de terreur qui fait frissonner tout mélomane digne de ce nom : l'invasion des diaboliques chants de Noël. Entonnés en famille au moment de la bûche ou à la télévision par un chœur d'angéliques enfants, leurs parfums mièvres, dégoulinant de bons sentiments, nous ouvrent les portes de l'Enfer. Mais lorsqu’une formation allemande connue pour son humour décalé se propose de nous bercer aux rythmes d’un "Noël death et jazzy", on se prend à espérer une revisite savoureuse des chansons traditionnelles les plus célèbres.
On peut se rassurer, il n'y a pas erreur sur la marchandise. ''X-mas Death Jazz'' est bel et bien décoré des principales boules de Noël. A quelques exceptions près, les Allemands sont allés s'abreuver à la source anglaise, ce qui nous fait regretter l'absence de l'incontournable 'O Tannenbaum' chanté dans la langue de Goethe. Comme son titre l'indique, l'album est traversé par une pulsion jazz-metal, nos Pères Noëls teutons ont sorti de leur hotte des guitares lourdes dont ils vont jouer sans parcimonie. La partie jazz, plus proche d'un rock in opposition musclé (mais allez placer rock in opposition dans le titre !), se compose de longs instrumentaux sur lesquels chacun s'affaire à faire couiner son instrument, en particulier les saxophones. Le tout aboutit à une cacophonie parodique qui effraiera les petits enfants. Les textes ne sont pas réécrits mais réinterprétés avec toute la folie du Grinch. 'White Christmas' avec ses cassures de rythme et ses choeurs sensuels laisse place à un long solo de guitare comme les aiment Frank Zappa ou Jen Majura d'Evanescence (ce n'est pas une surprise puisque c'est lui qui en joue). 'Little Drummer Boy' réussit un tour de force en opposant son chant schizophrène (qui semble parodier une célèbre chanson de Rihanna) et ses rythmiques lourdes à une douceur relative avec un solo décontracté de guitare.
Coup de cœur ? Pas du tout ! Après avoir fait sauter quelques plombs au début du disque, le groupe se retrouve à jongler avec des allumettes mouillées. Les soli de guitare sont interminables et ne suscitent guère l'engouement, les morceaux s'allongent comme les heures défilent devant un célèbre traîneau abandonné garé en double file devant le Crazy Horse. Passé le fastidieux mais encore supportable 'Kling Glokchen', 'Last Christmas', 'Rudolph' ou l'insupportable 'Let It Snow' (malgré les présences anecdotiques de Mike Kennealy et Steffen Kummerer) auraient pu avoir le même titre, sorte de copier-coller industriel. Les longs instrumentaux ressemblent trop souvent à des improvisations hasardeuses qui ne mènent nulle part. Tout s'allonge dans cet album y compris le nez de Pinocchio de la promotion officielle qui répète : ''Nos Allemands ont su éviter les pièges que ce type de projets dissimule. Avec beaucoup d'inventivité, une énergie communicative et une vraie gestion des mélodies alliée à un esprit non conformiste, ''X-mas Death Jazz' est l'album le plus original de l'année.''
''X-Mas Death Jazz'' aurait pu séduire l'espace d'un instant par une volonté parodique de rejouer des classiques de Noël à la sauce jazz-metal. Mais après quelques mesures, l'auditeur se rend compte de l'inanité d'un tel projet qui ressemble aux jeux de ces enfants qui ont trouvé un magnétophone et s'amusent à s'enregistrer. D'ailleurs, une seule écoute suffit pour remiser ce disque au placard. Moralité : il ne suffit pas de jouer ‘À la Pêche aux Moules’ avec des grosses guitares et des cris de porcs pour transformer une chanson traditionnelle en chef-d´œuvre.