Malgré une première bûche sculptée en 2015, ce n'est qu'un an plus tard que Wolf Counsel s'est véritablement offert à nous par l'entremise du prometteur "Ironclad" grâce auquel nous découvrions l'artisan déjà affûté d'un doom sabbathien épais comme une coulée de lave charriant une mélancolie granitique. Dressant avec vigueur les couleurs d'une inspiration fertile, les Suisses en remettent déjà une couche avec "Age Of Madness / Reign Of Chaos" qui mérite mieux que son titre quelconque.
Fidèles à une lecture orthodoxe du genre, les Helvètes continuent de prêcher un art d'une belle pureté, forgeant des psaumes taillés dans le béton à l'aide de guitares goudronneuses et d'un chant nasillard de canard pris d'un bon rhume souffrant du syndrome Ozzy Osbourne. Scotchées au sol, ces pièces sentencieuses avancent à la vitesse d'une limace escaladant une côte par grand vent, même si un 'Semper Occvltvs', que couvre l'ombre du Cathedral le plus groovy avant de s'enfoncer toutefois dans un puits sans fond, témoigne que le quatuor ne rechigne pas, quand il le faut, à enclencher la seconde.
Foreuse trapue qui creuse de reptiliennes galeries dans la terre, cette troisième offrande assène une véritable leçon de doom sourd à toute évolution, que ne vient corrompre aucun kyste extérieur, si ce n'est de salvatrices mélopées féminines le temps d'un 'O'Death' majestueux dans son expression plombée. Le résultat enchante et nous faire dire que Wolf Counsel serait plutôt inspiré de reproduire l'expérience.
Pourtant, l'ensemble échappe au monolithisme le plus absolu par une science subtile de la progression, à l'image du coup de massue éponyme qui s'étale sur plus de dix minutes pendant lesquelles il gravit un relief massif que les guitares colorent d'une beauté déchirante avant de laisser la batterie s'exprimer avec une volubilité inattendue. Instrumentale, cette seconde partie voit Ralph Hubert briller de mille feux, laissant jaillir de son manche des soli à la fois épiques et rampants. Ses interventions irriguent puissamment "Age Of Darkness / Reign Of Chaos" et lui confèrent une approche dynamique sinon acérée, à laquelle participe également une basse galopante ('Coffin Nails').
Quelques effets sur le chant de Ralf Winzer Garcia saupoudrent de teintes psyché un ensemble robuste que le terminal 'Remembrance' entraîne avec une inexorabilité minérale vers la mort, plainte pétrifiée aux allures de pesant chemin de croix. La vie paraît alors suspendue, le tempo engourdi, témoin de son ensevelissement dans une nasse mortifère jusqu'à ses dernières mesures, frappées du sceau d'un désespoir infini, qui résonnent comme d'ultimes battements de cœur.
Dans la lignée de ses prédécesseurs, ce troisième opus confirme Wolf Counsel parmi les dauphins les plus solides d'un doom éternel.