Afin de bien apprécier cet album, un petit préambule semble s’imposer. Ne vous attendez pas à un nouvel album de prog symphonique à la façon d’un "The Great Experiment" ou "The Similitude of a Dream". Point d’envolées lyriques ou de joutes échevelées entre la guitare et les claviers, c’est sa facette pop-rock que Neal Morse explore sur ce "Life & Times".
Toute cause de malentendu étant ainsi écartée, plus rien ne nous empêche de savourer comme il se doit ces douze petites perles pop. Des chansons toutes simples ne s’écartant jamais du schéma éprouvé couplet-refrain, simples mais pas simplistes et bénéficiant de l’immense savoir-faire de Neal Morse. Un savoir-faire que l’on retrouve d’abord dans le soin apporté aux compositions : ce type-là est un génie de la mélodie qui fait mouche et qui va, selon son envie, se graver dans votre cortex ou vous toucher en plein cœur. Pas un seul titre ne semble superflu, chacun prodiguant un plaisir immédiat dès la première écoute.
Mais le talent de Neal Morse ne s’arrête pas à ses dons de composition. Pour le plus grand plaisir de l’auditeur, il varie les atmosphères et mélange astucieusement titres mélancoliques (‘JoAnna’, ‘He Died at Home’) et ensoleillées (‘Selfie in the Square’, ‘Wave on the Ocean’), ballades romantiques (‘You + Me + Everything’, ‘Old Alabama’) et ritournelles espiègles (‘Manchester’), passant de Neil Young à Daniel Powter, de Phil Collins à James Blunt, renouant même parfois avec le Neal Morse de "Testimony One" (‘Livin Lightly’). Le zénith et le nadir de l’album résident assurément dans l’opposition de ‘Manchester’, dont la bonne humeur communicative le range aux côtés de titres comme ‘Singing in the Rain’ ou du ‘Good Day Sunshine’ des Beatles, et de ‘He Died at Home’, tout en pudeur et retenue, deux modèles aux ambiances opposées parfaitement réussis.
Si "Life & Times" est avant tout un album de chansons dont l’élément principal est la voix de Neal Morse, dont on ne vantera jamais assez la sensibilité et le charisme dont elle sait faire preuve, l’accompagnement musical est loin d’être relégué en arrière-plan. S’il n’y a pratiquement pas de solo, hormis quelques saillies de guitare, les instruments nous tricotent une partition pleine de délicatesse et de rebondissements, la guitare acoustique et le piano s’enrichissant ici de cordes, là d’une trompette ou d’un cor, ou encore d’une steel guitar. Sans oublier la délicieuse présence vocale de Julie Harrison sur ‘Alabama’ dans un duo romantique à souhait.
Neal Morse a déjà prouvé par le passé qu’il était l’un des plus grands artistes de rock progressif des trente dernières années. Avec "Life & Times", il s’impose également comme l’un des meilleurs dans la catégorie pop-rock. La grande classe !