Souvent, il y a des groupes dont le nom rappelle étrangement quelque chose mais dont le souvenir a du mal à sortir. Cette fameuse solution qui se situe sur le bout de la langue et qui ne vient pas tout de suite. Puis, la musique commence pour, en une étincelle, libérer la mémoire embrumée. Tel est le cas des Infidèles. Ce nom parle mais sans trop savoir pourquoi. Puis à l'écoute du titre 'Des Larmes De Maux', Euréka ! Bien sûr il s'agit de ce combo qui fut l'un des groupes phares du rock hexagonal des années 80-90.
Les Infidèles ont ainsi connu une gloire relativement rapide juste après leur premier essai sorti en 1984 : albums produits par la fine fleur des producteurs anglais et australiens (John Brand : The Cult, The Ruts ; Mark Optitz : INXS, Page and Plant...), tournées avec les plus grands groupes de l'époque (Wet Wet Wet, Bob Dylan, The Silencers...), nombreuses émissions de télé... Puis, en 1997, succède à cette reconnaissance le temps de la séparation en raison de l'épuisement, de désaccords artistiques ou d'autres raisons inexpliquées.... peu importe. Il faudra un drame : le décès brutal en janvier 2005 de Fabrice Ragris, clavier du groupe, et beaucoup de résilience par la suite, pour que Les Infidèles reviennent dans la lumière et sortent de ce relatif anonymat dans lequel ils s'étaient enfermés depuis 8 ans.
Après un EP ("Cirkus" 2007) et un album ("Turbulences" 2010), c'est un live qui est proposé en cette année, "Le Cœur des Foules" qui propose 14 titres replongeant le public dans une discographie de qualité. Les hostilités commencent par un 'Bumble Bee' qui n'aurait pas dénoté à être au générique d'un film de Quentin Tarantino et qui sonne un peu également comme la bande originale d'une vieille série avec Bruce Lee (le "Frelon Vert", que nous vous invitons à regarder si vous ne connaissez pas). Cet instrumental donne le ton et témoigne déjà de la qualité de l'interprétation qui s'ensuivra.
Naturellement, le dernier album en date est mis en avant avec sept titres joués sur les dix qui le composent, aux premiers rangs desquels 'L'Instant Néant' qui révèle l'ossature rock bluesy forgeant l'identité des Infidèles ou 'Le Prochain Vol' avec ses basses ronflantes et parfois dominatrices, son refrain imparable et ses notes de guitares toujours justes et sans cette aigreur technique qui parfois gâche le plaisir d'écoute chez certains autres groupes. Il ne faut pas laisser passer beaucoup de titres pour dire que Jean Rigo est parfaitement en voix, expressive et sans fard, naturelle, mais au surplus, pour souligner l'osmose entre les membres du groupe qui est manifeste aux oreilles.
Les grands tubes des Infidèles se succèdent, se rappelant au bon souvenir des auditeurs qui ont connu et suivi le groupe depuis ses débuts. 'Mon Héroïne' avec son groove prononcé bien accentué par la basse d'Olivier Dérudet précède le célèbre 'Des Larmes et des Maux' dont l'interprétation est étendue pour le live, avec une introduction magnifique, presque moyen-orientale, au violon, reprise au bond par l'ensemble des musiciens et soulignée par des formidables lignes de guitare, avec un sublime solo vers la fin.
Ce live se déguste donc comme un bon vin qui a bien vieilli. La bouteille dépoussiérée, le liquide livre tous ses arômes qui ont mis des années à se former. Il en va de même pour Les Infidèles qui avec ce concert démontre que le talent ne se perd pas, il gagne en profondeur, en rondeur et en authenticité. Un grand cru.