Tous les deux ans, avec une sympathique régularité, Hogjaw nous envoie une carte postale de l'Amérique, pas celle des grandes métropoles mais celle qu'on nomme "profonde", avec un rien de mépris de ce côté-ci de l'Atlantique. Après le désert ("Sons Of The Western Skies") et les montagnes ("Ride To The Mountains"), le quatuor de l'Arizona s'enfonce dans les marécages, dans les bayous du "Sans retour" de Walter Hill. C'est à nouveau toute une géographie, abrupte et sauvage, qui prend corps grâce à la magie d'un rock sudiste rocailleux gorgé de whisky.
Si le groupe n'invente rien, braconnant sur les terres labourées par les ancêtres Lynyrd Skynyrd et autre Allman Brothers Band, sa dévotion au genre lui dicte à chaque fois des offrandes sincères qui vibrent d'un feeling authentique. "Way Down Yonder" ne déroge pas à la règle. Mieux, il confirme que ses auteurs ne cessent de s'améliorer avec le temps. Velue et épaisse, la recette demeure pourtant inchangée, faite de voix bourrues et de guitares taillées dans le bois de ces vastes forêts de l'Amérique du Nord.
Mais, la peau de plus en plus tannée, les compositions que sculpte Hogjaw gagnent peu à peu en rugosité. Ce qui ne l'empêche pas de briller lorsqu'il fait parler l'émotion sur un 'Redemption' aux allures de power ballad épique dont le final est le théâtre d'une belle saillie guitaristique ou sur un 'North Carolina Way' toute en progression qui élève ses géniteurs au niveau des meilleurs artisans du southern rock.
Vigoureux et solidement enraciné dans la terre qui l'a vu naître, ce sixième album fait la part belle aux mid-tempos aussi remuants ('Brown Water') que plombés ('Dark Horse') qui donnent envie d'avaler les kilomètres à bord d'une puissante mécanique avant d'aller sucer des bières dans un honky tonk poussiéreux. Les six-cordes endiablées de la paire que composent Jimmy Rose et le chanteur Jonboat Jones tracent un chemin boueux qui sillonne à travers les marais ('To Hell With The Rest", 'Never Surrender'). Les ambiances se font poisseuses sur 'Got A Pencil' tandis que le court 'Talk About Fishin' et son banjo déglingué nous plongent dans les volutes enfumées d'un saloon perdu au milieu de nulle part. Tout du long, la gouaille noyée dans le Bourbon de l'imposant vocaliste colore le sol d'une sève rude et généreuse ('Beast Of Burden (Roll On)').
Fort de ce voyage sonore où rien n'est à jeter, rempli jusqu'à la gueule de morceaux de bravoure et de soli percutants, Hogjaw, véritable peintre de l'Amérique, confirme sa place, parmi les premières, sur le trône d'un rock sudiste aussi trapu qu'émotionnel.