Après 5 albums solo dont 4 illustrant le style steampunk, Tom Slatter a ressorti de ses cartons un ancien projet conçu au départ comme une pièce néo-classique pour quatuor à cordes, harpe et piano. Pour faire évoluer ce projet inabouti, le guitariste anglais a postulé qu’il lui manquait une bonne dose de guitares et une batterie puissante. Il a donc transformé le projet classique en musique tendance steampunk. Ainsi est né Murder and Parliament qui sort son premier album éponyme, entièrement instrumental.
Dès les premières notes, l’auditeur aura du mal à concevoir que le point de départ de cet opus ait pu être néo-classique. Les lignes musicales sont fuyantes, instables, au point qu’il est difficile de les qualifier de "mélodiques", et les rythmes paraissent souvent heurtés. A certains égards, cette manie de bousculer les harmonies peut rappeler certains côtés de Gentle Giant, tout comme cette façon de heurter les rythmes peut faire penser à Anglagard. Par contre Tom Slatter ne cherche pas à se rapprocher d’une ligne mélodique agréable mais claudique dans des chemins tortueux et inconfortables. Tout comme dans une randonnée difficile, tout le monde ne le suivra pas, d’autant que le paysage sonore est plutôt monotone !
L’instrumentation est en effet assez réduite, faisant appel à des guitares dont le son n’est jamais propre, mais légèrement distordu, à une batterie dont le son paraît limité à la caisse claire, à une basse (Alun Vaughan) et une touche de violon (Chrissie Caulfield) bien trafiqué ('Embers') - les claviers sont plutôt rares dans cet univers désincarné ('Crookedness'). Autant dire que l’ambiance produite est aussi désolée qu’inquiétante, parcourant des morceaux déstructurés striés de changements d’ambiance, avec des bruits atmosphériques renforçant l’impression de décor chaotique et angoissant. Avec son esthétique hétérogène et décalée, un peu foutraque et bancale, et ses éléments atmosphériques vaguement indus', s’il y a une musique qui peut illustrer le courant steampunk, c’est bien celle-ci !
Reste que le chemin emprunté n’est pas aisé à parcourir, même s’il livre parfois des passages intrigants, à l’image d’un 'Kettle and Cauldron' minimaliste qui part de rien pour se structurer petit à petit, ou d’un 'Embers' instable et dérangeant, mais bizarrement attirant. Tom Slatter apparaît comme un troubadour morbide dont l’univers décalé et imprécis (à la batterie notamment) n’emportera pas l’adhésion de tout un chacun. A l’écoute de "Murder and Parliament" se pose une question philosophique : "L’art se doit-il d’être esthétique ?". Vous avez quatre heures…