Bizarre idée qu’exhumer l’Atlantropa Project, une idée insensée de l’ingénieur allemand Herrmann Sörgeldans les années 20 qui voulait édifier un barrage dans le détroit de Gibraltar pour faire baisser le niveau de la Méditerranée et ainsi gagner des territoires terrestres où l’homme pourrait s’implanter. Ecologiquement curieux… L’album éponyme tient à rendre hommage au côté visionnaire du projet, avec tout le courage et l’obstination nécessaires pour le mener à bien, et appuie sur le versant utopiste du pont jeté entre deux continents, unissant les peuples et comblant les différences. Le combo allemand composé de huit membres (tous chanteurs, trois guitares et trois claviers) nous propose de revisiter l’aventure.
Cette vaste épopée est livrée en un double album alternant les titres musicaux (les plus longs) et de cours intermèdes où une voix parlée explique la nature du projet. Le style se situe dans un progressif assez simple - ou une pop un peu complexe comme savait le faire the Alan Parsons' Project ('Last Goodbye', 'Dream My Dream'), c’est selon - , dans un ton qui se rapproche plus du progressif hollandais avec son côté confortable que des groupes allemands plus torturés comme Sylvan ou Seven Steps to the Green Door. Pas de prise de risque dans cet "Atlantropa Project", des mélodies simples mais sympathiques, une réalisation plus que correcte et un travail choral assez fourni ('The Great Maker', 'They Want to Steal the Ocean', 'Shining Star').
"Atlantropa Project" est un opus bourré de bonnes intentions : il y a un petit côté scout à illustrer un projet utopique avec des musiques souvent naïves ('We All Speak Atlantropian') arrangées avec un goût du moelleux, même si le ton penche parfois vers un rock soft ('Look to the West') qui apporte une certaine variété dans le ton, variété complétée par une bonne alternance dans les voix. Mais l’ensemble a un côté terriblement prévisible, à l’image d’une conclusion chorale se fondant dans une 'Reprise' au piano pour apaiser la conclusion.
Le sujet souffre également d’un lourd défaut dans lequel bien des groupes sont tombés, entre autres Clive Nolan dans "the Hound of the Baskervilles" ou "Alchemy" : en utilisant des récitatifs pour expliquer le projet, le groupe coupe l’ambiance musicale et hache le propos, détruisant tout le côté épique qu’il a déjà du mal à installer.
Faute de marqueurs puissants qui viendraient singulariser une piste musicale trop bien balisée, la musique atlantropique risque fort de ne guère laisser de souvenirs chez les amateurs de musiques progressives. Il ne s’agit certes que d’un premier effort discographique, mais il manque à beaucoup de points de vue de consistance.