King Child est la démonstration que la musique n'a pas de frontière. Alors que Quentin Hoogaert et Jean Prat ne partagent ni le même lieu géographique ni le même groupe, le premier, Bruxellois, collaborant avec Leopold Tears et le second, Lyonnais, jouant avec Redrocks, le destin les a réunis dans le même studio un jour de 2014. L’entente musicale et humaine opère et les deux musiciens profitent du crépuscule de leur groupe respectif pour travailler ensemble. De ces noces artistiques naîtra trois ans plus tard le premier disque de King Child, "Meredith".
Le hasard de la rencontre a tout du coup de pouce de la providence car il se passe instantanément quelque chose d’évident quand on écoute "Meredith" pour la première fois. L'alchimie qui règne au sein du duo transparaît intégralement dans cette pop classieuse et variée qui accroche et réconforte avec ses mélodies à la fois immédiates et subtiles et cette alliance équilibrée entre les machines électroniques contemporains et les traditionnels instruments acoustiques comme pianos et batteries. Cette association judicieuse du synthétique et de l'organique permet de faire émerger toute une palette d'atmosphères claires-obscures dans des tonalités irisées aux abords à la fois mélancoliques ('23 Février', 'Ghost Dance') et de grande vitalité (le dansant 'Desert' ou le lumineux 'Opal'). On comprend pourquoi "Meredith" est bâti autour de la ‘Première Arabesque’ de Debussy. Cette pièce positionnée au cœur du disque, comme pour en marquer son statut de référentiel, vient rappeler que King Child se nourrit de classicisme et qu’il partage avec le compositeur français ses évocations impressionnistes.
La richesse des textures de "Meredith" doit beaucoup au travail de Jean Prat. Il est l'artisan du rythme aux baguettes et le tisserand des mélodies aux claviers, capable de tirer d'un simple Therevox (instrument qui s'apparente aux machines basées sur les ondes Martenot) des vibrations envoûtantes ('Butcher', 'Première Arabesque', 'Ghost Dance'), et articule ces deux approches qui permettent à la pulsation du tempo de revivifier la douce pesanteur de certaines harmonies. Rares sont les groupes qui maîtrisent avec autant de précision ce savoir-faire et King Child, à l'instar d'un Radiohead, excelle dans ce domaine ('Bending Time', 'Meredith', 'Monsters'). Le résultat est brillant de cohérence et d'intelligence harmonique avec onze chansons aux charmes attractifs et aux émotions délicates. Grâce doit être rendue à Quentin Hoogaert qui nous fait partager sa sensibilité tout au long de ce voyage à travers sa voix de caméléon capable d’atteindre une gamme très étendue de tessitures et d’intonations ('Grief', 'True Romance' et 'Opal').
Difficile d'imaginer que "Meredith" est le premier album de King Child tant la signature artistique du duo est forte et l'écriture travaillée. La maturité de leur collaboration est déjà impressionnante dans le soin porté aux mélodies, dans l'équilibre et la fluidité des développements et dans la maîtrise des intensités émotionnelles, jamais exagérées, toujours justes. "Meredith" se déguste encore et encore sans lassitude faisant de l'auditeur la victime consentante de son addiction. Une des découvertes les plus réjouissantes de l'année.