Ce n’est pourtant pas faute de l’avoir martelé dans nos colonnes : le disque de reprises est un exercice casse-gueule où même les meilleurs se sont parfois brûlé les ailes. Cela n’empêche pas chaque année d’avoir notre lot d’aspirants suicidaires pensant probablement être plus futé que leurs prédécesseurs. C’est le cas de Jim James, le leader de My Morning Jacket, dont le titre de l’album, "Tribute to 2", indique sans équivoque ses intentions et qu’il s’agit d’une récidive (il a déjà sorti en 2009 un EP, "Tribute to", reprenant quelques chansons de George Harrison).
Cette fois-ci, il décide de s’attaquer à un répertoire plus éclectique de morceaux remontant pour le plus ancien à 1926 (‘Blue Skies’) et le plus récent au début des années 2000 (‘Wild Honey’), avec une forte concentration entre 1960 et 1970. Si la plupart des titres n’évoque rien à la lecture, presque tous ont déjà fait l’objet de nombreuses reprises par des artistes plus ou moins célèbres au rang desquels figurent quand même quelques pointures (The Platters, Elvis Presley, Little Richard, Bing Crosby, Norah Jones, Robert Palmer, Ella Fitzgerald, Diane Krall, Frank Sinatra, Mercury Rev, Joséphine Baker…). Parmi les créateurs, on distingue les signatures des Beach Boys, de Bob Dylan et d’Emerson, Lake & Palmer au milieu de celles de quasi inconnus : qui a entendu parler de Diane Izzo, Al Bowlly ou Artie Glenn par exemple ?
Si certains artistes profitent de l’occasion pour donner une toute autre lecture des morceaux qu’ils réinterprètent, Jim James, lui, reste très fidèle aux originaux, respectant les mélodies, les tempos, les nuances et poussant même la reproduction jusqu’au mimétisme vocal à l’occasion (‘I’ll Be Your Baby Tonight’, ‘Lucky Man’). Son timbre de voix est agréable et son chant parfois haut perché donne une belle teinte mélancolique (‘I Just Wasn’t Made for These Times ‘, ‘The World is Falling Down’). Malheureusement, le chanteur se laisse régulièrement aller à des vocalises périlleuses ressemblant au cri d’un chat qu’on émascule ('Wild Honey', 'Midnight, the Stars and You', 'Funny How Time Slips Away', 'Love is the Sweetest Thing'). Inutile de dire que le résultat n’est pas des plus agréables.
Jim James s’accompagne à de rares exceptions près d’une simple guitare acoustique ou d’un piano, donnant une teinte intimiste à l’ensemble. La voix bénéficie souvent d’un effet de réverbération donnant un côté old school déjà fortement imprimé par des chansons au fort parfum rétro. Mais le choix de titres au potentiel médiocre, la cohabitation délicate entre mélodies en forme de comédies musicales créées dans les années trente et folks rocks bluesy tels qu’on en écoutait dans les années 60 et les petites extravagances vocales citées ci-dessus finissent par user la résistance de l’auditeur qui n’aura probablement pas l’envie de remettre le CD dans sa platine.