Homme de goût et guitariste virtuose, Alex Beyrodt possède, outre un talent d'écriture qui n'est plus à démontrer depuis longtemps, la qualité rare d'obtenir le meilleur de ses chanteurs. Ainsi, après nous avoir réconcilié avec David Readman (Pink Cream 69 et Adagio), qu'on n'aurait jamais imaginé autant à son aise dans un registre rugueux, le Teuton nous fait (re)découvrir un Herbie Langhans (Avantasia et ex-Seventh Avenue) dont on ne pensait pas non plus qu'il aurait le coffre et le panache suffisants pour marcher sur les plates-bandes de David Coverdale, éternelle référence du six-cordiste. L'écoute de "Raised On Rock" témoigne que ce dernier a, une fois de plus, eu le nez creux.
Un titre, l'amorce 'Running Away From Love', suffit au nouveau venu pour faire oublier son devancier, se coulant comme s'il était là depuis des années dans le hard rock aussi racé que flamboyant façonné par Voodoo Circle. Sans (mauvaise) surprise, ce changement de personnel n'a aucune prise sur la qualité de ce quatrième album et encore moins sur le style pratiqué. Entouré par la section rythmique de Sinner, son ancien port d'attache, Beyrodt reste donc fidèle à une musique chère à son cœur, celle qui irrigue ses veines depuis toujours, chaleureuse et bourrée de feeling, bien loin du metal usiné par les aciéries d'Outre-Rhin auquel il a tout d'abord été attaché.
Evoquant bien sûr Deep Purple ('Unknown Stranger' que recouvrent l'ombre de Blackmore et celle du regretté Jon Lord), Rainbow ('Dreamchaser' et ses relents de 'Gates Of Babylon'), "Raised On Rock" confirme surtout ce que son prédécesseur, "More Than One Way Home", laissait déjà deviner, c'est-à-dire le tribut que le groupe paye au Whitesnake de la seconde moitié des années 80, ce dont il ne se cache absolument pas. Et plus le temps passe et plus on se rend compte que celui qu'on a trop vite confondu avec un émule de Malmsteen doit en réalité tout (ou presque) à John Sykes. Démarquage à peine voilé de 'Still Of The Night', l'énorme 'Walk On The Line' est le titre qui illustre le mieux ce patronage, cependant que 'Ultimate Sin' avec son intro vrombissante et le sucré 'Just Take My Heart' semblent eux aussi tout droit sortis de "1987".
En compositeur chevronné, Alex a soigné un menu qui oscille entre saillies nerveuses et pièces épiques. Si 'Higher Love' ou 'You Promised Me Heaven' sont à ranger dans les premières, les secondes épousent les formes reptiliennes des incandescents 'Chase Me Away', 'Love Is An Ocean', zeppelinien en diable ou la puissante respiration 'Where is The World We Love'. S'il ne manque jamais une occasion de nous gratifier de ses éruptions dont il a le secret, le maître des lieux démontre encore une fois tout ce qui le sépare d'un Malmsteen, capable lui, de mettre ses furieuses descentes de manche au service de compositions finement ciselées où ni le chant ni les autres instruments ne sont bâillonnés.
Si les influences qui l'irriguent sont épaisses comme des câbles à haute tension, "Raised On Rock" n'en est pas moins, encore une fois, une franche réussite à mettre à l'actif de ce digne émule de Whitesnake.