Ceux qui suivent la longue carrière de Rick Springfield savent que l’Australien n’est pas du genre à rester enfermé dans un seul genre artistique. Depuis quelques albums, le chanteur-guitariste offrait un AOR bien léché mais "Rocket Science" (2016) a commencé à proposer une pop-rock aux accents country prouvant que des œillères étaient incompatibles avec un intérêt pour cet artiste. Difficile donc de savoir à quoi s’attendre avec le nouvel opus intitulé "The Snake King", même si le niveau de qualité ne porte pas vraiment à l’inquiétude puisque Rick Springfield répond toujours à un critère d’exigence élevé.
Dès le premier titre ouvrant cet opus de près d’une heure, les choses sont clairement posées : la voie entamée sur le précédent album va continuer à être explorée. ‘In The Land Of The Blind’ déverse sa pop-rock-folk qui n’est pas sans rappeler certains titres de Bob Dylan, Bruce Springsteen ou des derniers Mike Tramp. Pourtant, n’allez pas croire que la suite va se dérouler sur un tempo moyen et sans surprise car Rick Springfield va enchaîner les changements de directions au sein d’un ensemble aux allures de concept-album. De nombreux bruitages sont placés entre les titres afin de renforcer l’unité de l’ensemble. Le thème récurrent se veut être une diatribe contre les excès de la religion, allant même jusqu’à utiliser de nombreuses provocations dont le but est la prise de conscience du plus grand nombre et l’encouragement à utiliser son libre-arbitre.
Et pour arriver à ses fins, l’Australien n’hésite pas à utiliser plusieurs arguments qui maintiennent l’auditeur dans une attention permanente. Il y a d’abord ces nombreux éléments blues qui dominent la majorité des titres tels ‘The Devil That You Know’ avec sa section cuivres et ses accents en provenance de Chicago, ‘Judas Tree’, plus old school avec son harmonica hurlant et son ambiance de bar enfumé, ou le provocateur ‘Jesus Was An Atheist’. Avec ‘Suicide Manifesto’ ou ‘Santa Is An Anagram’, le tempo se fait rapide et cinglant sur des durées dépassant à peine les deux minutes, le second se faisant même rockabilly avec des accents de ‘Johnny B. Goode’. Il y a également ce ‘Little Demon’ qui débute tel un rock sombre et catchy avant de s’engager sur une seconde partie en format instrumental et en mid-tempo, offrant une belle démonstration guitaristique.
Clôturant l’ensemble, ‘Orpheus In The Underworld’ symbolise la prise de risque de cet opus en s’étalant sur plus de 10 minutes qu’il est impossible de voir passer. L’harmonica et le banjo font partie de tous les éléments qui enrichissent ce titre de folk-rock qui laisse apparaître les ombres des artistes cités précédemment, ces références étant essentiellement présentes pour valider la démarche d’un artiste qui offre ici une démonstration de maturité. Fin de voyage mélancolique au soleil couchant, ‘Orpheus In The Underworld’ renforce la sensation d’avoir partagé un moment privilégié avec un artiste qui prend toute son envergure en ne se fixant pas de limite, que cela soit d’un point de vue artistique ou politique. Avec "The Snake King", Rick Springfield risque de marquer les esprits profondément. Chapeau bas l’artiste !