Le fait qu'il soit suédois et forge du death metal ne doit pas vous tromper. Tribulation n'est plus, depuis longtemps, le simple héritier d'un metal de la mort sinistre et grumeleux où pataugeaient l'EP "Putrid Rebirth" et l'originel "The Horror". A partir de "The Formulas Of Death", le groupe a brutalement entamé sa mue, délaissant le bestiaire morbide pour un art plus audacieux, nourri aux effluves progressives.
Ceux qui, après un "Children Of The Night" qui enfonçait encore un peu plus le clou dans cette peau évolutive, espéraient un (vain) retour aux sources au moment de déflorer "Down Below", en seront encore une fois pour leur frais. Oubliez définitivement leurs premiers rots qui sentaient la charogne et attiraient un nuage bleuté de mouches, les Suédois ne franchiront plus jamais le Styx. Ce dont on ne peut que se féliciter puisque ce glissement vers une musique plus sophistiquée quoique toujours tranchante s'est accompagné d'une créativité en ébullition.
Si, par rapport à ses devanciers, l'effet de surprise ne joue plus, ce quatrième album n'en reste pas moins impressionnant. Basé sur le même patron que "The Children Of The Night", il propose un ensemble relativement concis, dont la courte durée (trois quarts d'heure) lui confère une grande densité. Ainsi, plus les années passent et plus Tribulation apprend à resserrer son canevas sans pour autant tarir sa source créatrice. Loin d'un appauvrissement, il en résulte des compositions aux allures de pièces d'orfèvrerie dont le mécanisme fonctionne avec une admirable fluidité, témoignage éloquent de la maîtrise à laquelle leurs auteurs sont parvenus.
Du passé extrême, il ne reste plus guère que le chant écorché du bassiste Johannes Andersson, lequel hachure ces paysages que percent des guitares souvent lumineuses ('Nightbound'). Malgré tout, la joie de vivre a été comme toujours éconduite d'une partition écrite à l'encre noire. Les claviers brumeux qui ont l'air de s'être échappés d'un giallo ('Subterranea' et son intro à la Goblin) tapissent de tentures ténébreuses les parois de cet édifice aux multiples travées.
Chaque titre qui jonche "Down Below" conjugue à la fois reliefs abrupts et richesse instrumentale, accroches incisives et ambiances délicates. 'Cries From The Underworld', strié de lignes de guitares aériennes, 'The World' et ses accords entêtants que ne renierait pas Paradise Lost ou 'The Lament', implacable et atmosphérique tout ensemble, pour ne citer que trois exemples, illustrent toutes les nuances de cette palette d'une ébouriffante richesse. Au bout de l'album, 'Here be Dragons', du haut de ses sept minutes au garrot, symbolise pour sa part toute l'ambition des Suédois désireux de couler dans un substrat extrême et affûté un jus progressif assombri d'émanations horrifiques.
"Down Below" reprend les choses où les a laissées son prédécesseur dont il polit les formes tourmentées d'un death black de plus en plus évolutif.