Enclave francophone nichée à l'intérieur du Canada, le Québec dispose de tout l'arsenal, tant géographique que culturel, propice à la prolifération de la vermine black metal. Dans le sillage de l'ancêtre Frozen Shadows, les Forteresse, Sombres Forêts, Monarque et autre Sorcier des Glaces, pour n'en citer que quelques hérauts, ont contribué à façonner cette chapelle noire dont les offrandes ont peu à peu fixé le style nocturne et glacial, lugubre et patriotique, enraciné dans des paysages rigoureux.
Jeune pousse québécoise, Dépérir ne noue pourtant que très peu de liens avec les entités citées plus haut. En fait, si on devait le comparer à l'un de ses aînés, ce serait plutôt vers Akitsa voire Thesyre que l'on serait tenté de se tourner, formations avec lesquelles il partage un peu de cette fureur abrupte et cette violence crue et malsaine. Que dans les rangs de ce nouveau projet, on croise le chanteur Winterthrone, hurleur chez Hakem-Ed Damn ainsi que le batteur français S. Sortheii (Pavillon Rouge), confirme cet ancrage dans le black metal le plus bouillonnant, gorgé de misanthropie et de haine de toutes les religions comme combustible.
Le nom de cette horde barbare suggère une décrépitude qui se matérialise non pas sous une forme lancinante et suicidaire mais au contraire en faisant saigner les orifices. Epuré, son contenant ne dit pas autre chose, laissant deviner un contenu sans concession ni vaseline. Bref, Dépérir va à l'essentiel et ne s'embarrasse pas de vains préliminaires. Panzer sinistre, il nous promet la guerre. Dont acte.
Déchaîné, 'Esprits violés' lance l'album dans un torrent de fiel, ouvrant d'emblée les vannes d'une négativité vicieuse. Durant moins de trois minutes au jus, les Franco-Canadiens tabassent sévère, la hampe dressant les couleurs d'un black thrash nucléaire. Dans la bouche de Winterthrone, les textes dans la langue de Molière se transforment en bile empoisonnée qui participe de ce caractère acrimonieux.
Radical dans la forme, le quatuor l'est tout autant dans le fond. Sexe, tueurs en série et misanthropie s'étalent dans sa vitrine sale et convulsive. Dans l'âtre des 'Shrapnel' et autre 'L'empaleur' brûle ce même bois haineux. Serrer le frein à main pour s'enfoncer alors dans les profondeurs d'un charnier encore fumant ('Tourments de mon âme', 'La Corde') sied également à nos guerriers qui trouvent dans ces coups de pilon rampants l'occasion de suinter un mal-être larvé. Mais la brutalité viscérale reprend vite ses droits, témoin ce 'Triade du Démiurge' qui s'achève en boucherie.
Rongé par de glaciales ténèbres, 'Le Misanthrope' illustre enfin que les ambiances pesantes et sinistres ne grèvent en rien la perversité dévastatrice de ce groupe qui renoue avec la pureté froide et malfaisante d'un art noir cruel et néfaste.