Avec son nom évoquant la fameuse chambre noire, Kamera Obscura n´a eu de cesse d´inviter son auditoire à le rejoindre dans les tréfonds de l´âme humaine pour une séance de cinéma introspective. Après avoir exploré des classiques du cinéma d´horreur mondial, notre groupe français poursuit son exploration du cinéma de genre américain en signant un nouvel album judicieusement intitulé "The Final Cut". Ce terme de cinéma fait référence au montage définitif d´un film mais peut également se lire comme le dernier coup de couteau asséné par Kamera Obscura.
Dès la première piste ´The Howling´ (tiré d´un film de Joe Dante), l´auditeur est conduit dans un territoire assez familier : celui d´un cauchemar industriel auquel le groupe nous a habitué. La légère mélodie au clavier est aussitôt engloutie par de voraces guitares et une batterie écrasante. La chanteuse dénommée Cécile chante comme si elle était en transe (en accord avec le thème de la chanson) n´hésitant pas à se montrer plus séduisante sur les refrains, mais avec une séduction hypnotique qui ne laissera guère l´auditeur indifférent. ´Antichrist´, pourtant hors-sujet, nous montre combien le groupe a la maîtrise de son navire.
Alors que les guitares et les rythmiques ne cessent de muscler leur jeu tout au long de cet album, la voix perd le côté foutraque de la première piste et se fait plus douce comme sur ´I Spit On Your Grave´ où elle joue sur un registre plus mélancolique, plus désespéré (avec un jouissif crescendo horrifique). Sur ´Maniac´ (excellent film de William Lustig au passage) ou encore ´Phantasm´ (un classique de Don Coscarelli), elle semble lutter contre la mélodie vénéneuse et l'ambiance plombante. ´Necronomicon´ et ´Lucifer Rising´ réalisent parfaitement cet objectif où sur le premier les guitares apportent un son plus aérien bercé par la voix faussement candide (ici dédoublée), sur le second, les guitares nous entraînent dans une spirale infernale. Le groupe retient bien la leçon qu´horreur ne rime pas seulement avec lourdeur et la petite étincelle que suscite la voix nous montre le chemin à accomplir pour atteindre une hypothétique porte de sortie.
On s´étonnera toutefois de 'Valley Of Dolls' qui n´appartient pas au corpus stricto sensu du film d´horreur mais à une série B érotique. Kamera Obscura se serait en fait inspiré des méfaits californiens de Charles Manson et de sa secte ravagée. ´Texas Chainsaw´ (tiré d´un des films d´horreur les plus connus) nous surprendra avec son intro quasi techno. Pour autant, si l´album est maîtrisé de bout en bout, il aurait été intéressant d´entendre le potentiel du groupe sans la lourdeur des guitares.
"The Final Cut" offre une plongée vertigineuse dans une musique obscure et infernale portée par la voix de sa chanteuse, qui risque de faire douter ceux qui ne croient pas au syndrome de Stockholm. C´est en flirtant avec le diable que paradoxalement Kamera Obscura a sauvé son âme. En espérant que "The Final Cut" ne restera pas comme l´ultime opus d´un groupe qui ne cesse de surprendre.