Quelle suite donner à un chef d’œuvre ? A cette question épineuse, les suédois d’Opeth ont trouvé une solution apparemment simple : en faire un autre ! Avec ce 6e opus, sorti en 2002, Mikael Akerfeld prévient d’entrée que les successeurs du somptueux « Blackwater Park » seront un diptyque composé d’une part, du côté « clair » de son art avec « Damnation » et d’une autre du côté « obscur » avec « Deliverance ».
Pour mieux définir le contenu de cet album, intéressons-nous au morceau éponyme qui débute sur le talent tentaculaire de Martin Lopez qui accompagne un riff heavy et violent comme rarement. Cette introduction n’est qu’un énième contre-pied pour mieux désarmer un auditeur pantois à l’écoute des mélodies atmosphériques poignantes à venir qui alternent avec des passages d’une violence extrême… Après avoir baissé les armes devant tant de virtuosité, de génie, de richesse musicale, le coup fatal nous est porté à la toute fin de ce sublime morceau par le biais d’un riff hypnotique qui ne semble jamais vouloir s’arrêter et que nous aimerions être infini tellement c’est beau !
Même si cet opus est censé refléter le côté obscur des suédois, ces derniers se soucient malgré tout des nerfs de leurs auditeurs en leur proposant deux majestueux morceaux qui laissent augurer de quoi sera fait le futur « Damnation »… Le temps de deux titres, Opeth nous immerge dans un monde d’une beauté glaciale, d’une tristesse profonde avec l’instrumental acoustique « For Absent Friends » et le semi-acoustique « A Fair Judgement » dans lequels les mélodies emplies de grâce côtoient le dorénavant parfaitement maîtrisé chant clair du maître Akerfed…
Cependant, comme il est indiqué en préambule, « Deliverance » est censé dévoiler la part extrême du groupe et à ce titre, Mikael Akerfeld reprend sa grosse voix pour nous ramener à cette « dure » réalité avec « Master Apprentice » suivi de « By the Pain I see the Others »… Comme sur le morceau éponyme, passages atmosphériques beaux à en pleurer alternent avec parties hyper agressives où Akerfeld enfonce le clou en faisant preuve d’une maîtrise parfaite des chants aussi bien gutturaux - et compréhensibles, chose rare - que clairs.
A l’évocation de tant de brio, on pourrait réduire Opeth à l’unique voix de ce groupe ; il n’en est rien ! Il suffit de jeter un coup d’oreille sur le riff final de « Master Apprentice » tout bonnement monstrueux où tous les acteurs instrumentalistes techniciens hors pairs mettent leur virtuosité au service de somptueuses compos.
L’exercice de style imposé qui était de donner suite au parfait « Blackwater Park » est réussi haut la main avec le magistral « Deliverance ». Dès lors, avec cet opus, Opeth assied définitivement sa suprématie métallique pour devenir culte…