L'histoire de l’Atlantide a toujours fasciné... lieu magique à la technologie avant-gardiste pour certains, terre de légende pour d'autres ou source d'imageries et d'histoires variées pour les plus rêveurs. C'est cette troisième version que propose Visions of Atlantis : des histoires qui s’emmêlent, qui se mêlent, qui s'entremêlent, puis se démêlent et induisent des sentiments qui explosent, qui se transforment en amour ou en trahison.
Parfois les groupes explosent, se ressoudent et repartent avec un nouvel élan de créativité. C'est peut-être ce que la formation a subi avec la redéfinition de son personnel, car seul demeure le batteur historique, fesses bien vissées sur son tabouret, martelant encore et toujours les fûts avec application. Bienvenue à un nouvel aréopage, à Clémentine la nouvelle muse qui fait pâlir d'envie Tarja, Floor et autres interprètes à poitrine. Mais méfiez-vous, car derrière ce joli minois pourvu d'une voix sublime se cache une guerrière, une interprète aux possibilités inouïes : intonations lyriques proches de Nightwish (parfois), rock nerveux et coriace digne de Magali Luyten (le plus souvent) ou occasionnellement quelques détours folkloriques comme sait si bien le faire Mike Oldfield.
Le voyage au milieu des ondes tempétueuses débute avec grandiloquence par une introduction proche de Kamelot ou Avantasia : les remous d'un océan mélodique nous bercent et nous enivrent de ces couleurs chatoyantes. Le charme opère immédiatement alors que la musique coule, nous baigne de son aura intemporelle, envahit l'espace avec une puissance presque matérielle. En effet la rondelle balance du feu de dieu, allie le feu et la glace, caresse l'échine, flatte la croupe et déverse alors une pluie sensuelle.
Au son de cordes légères et d'un piano cristallin, nous voici introduits sur ces terres de mythes, puis la batterie et la guitare arrivent conjointement. Les riffs sont efficaces, le rythme carré alors que la voix divine tisse une toison d'or et se déploie dans un écrin soyeux paré de velours mauve. Ensuite 'Return to Lemuria' débute par une belle mélodie fédératrice ; le duo s'installe, à ma droite Clémentine la reine amazone, à ma gauche Siegfried plus rock et musclé, dont le timbre se marie à merveille avec les vibrations suaves de la dame. La cavalcade est lancée sur fond de doubles pédales insistantes, de chevauchées fantastiques, ponctuées d'interventions de claviers et d'une six-cordes racée.
La formation sait proposer des variations multiples, des introductions folkloriques ('Ritual Night' ou 'Book of Nature'), des riffs plus nerveux presque thrash dignes de Manticora ('The Grand Illusion'), des duels de claviers et guitare proches d'Ayreon ('Words of War') , ou des titres à tiroirs sur lesquels la formation empile des couches successives ('The Silent Mutiny') sans jamais perdre l'attention.
Mais c'est certainement sur les pièces de piano que l'opus va directement au but, des instants sur lesquels résonne la voix de Clémentine. Si jamais le charme n'avait pas opéré sur les titres metal, il vous submergera inévitablement sur les compositions souples, dignes des meilleures comédies musicales de Broadway ('The Last Home' et 'Prayer To The Lost'). Ce sont ces instants magiques qui émeuvent, comme ces souvenirs d'étés chauds et sereins, comme ces ciels ponctués de scintillements, d'étoiles filantes qui brisent la voûte céleste, ces moments lorsque la nature est silencieuse et nous rassure par son chant paisible et consolateur
Autant les copulations frénétiques d'Edenbridge nous avaient laissé de marbre, autant les accélérations suaves, les coups bien placés, la sensualité exacerbée et les caresses avides de Visions of Atlantis conduisent vers un plaisir non feint, parfois un peu précoce certes, mais dont la jouissance engendrée par cette magie et ce romantisme déployés est énorme.
"The Deep & The Dark" est un disque époustouflant, émoustillant, "époustillant", une œuvre profonde sur laquelle Visions of Atlantis transcende son art, livre un opus indispensable qui frôle le sublime, qui touche du doigt tous les styles, sans jamais perdre son identité.