The Very Small Orchestra est à la base un trio de passionnés qui s'est imposé une règle de conduite vite devenue profession de foi : avec un violon, une guitare acoustique et un harmonica, il invite l'auditeur à voyager, sans être retenu par la contrainte de son son minimaliste, n’hésitant pas à l’occasion à revisiter des standards du rock et du metal (réecoutez et savourez 'Les Cloches de l'Enfer', reprise hardie d'un morceau d'AC/DC). Toutefois, cet orchestre de poche a décidé que ses nouveaux liftings sonores pouvaient recevoir le soutien d'amis et d'invités dont le plus connu reste Denis Barthe, entre autres percussionniste de Noir Désir. D'ailleurs, ce dernier accompagné de Jérôme Bertrand (contrebasse) et Pascal Lamige (accordéon) dédouble le trio initial.
Sur ce troisième album, The Very Small Orchestra (auquel on a adjoint ''The Other Fuckers'', la traduction est évidente) nous invite à un voyage universel qui se joue de la gravité. L'album a été enregistré en secret dans une maison perdue au pays basque. Côté reprises, l´auditeur est gâté par un groupe toujours aussi audacieux. ´Light My Fire´ devient entre les mains de nos magiciens une ballade nocturne à grands renforts de violon, d´accordéon et de contrebasse. Le groupe ne calque pas sa reprise sur l´original et se laisse aller aux joies de l´improvisation instrumentale, la célèbre introduction jouée au violon n´intervenant qu´à la fin. ´Small Town Boy´ se rapproche d´une ballade mélancolique chantée avec une voix féminine. ´Ride On´ d´AC/DC cultive quant à elle les fleurs de l´apaisement (avec peut-être un bémol sur les longueurs superflues, en particulier le solo d´harmonica).
Mais ce qui fait le charme de ce groupe ne se résume pas au gadget des reprises. ´Back In Town´ ouvre les hostilités au son d´une guitare acoustique entrainante, d´un harmonica endiablé et d´une voix ensorcelante. L´introduction nous laisse savourer le travail du groupe en petit comité comme jadis avant de passer à la vitesse supérieure, dressant un pont entre son origine et sa mutation. Les morceaux s´enrichissent en cours de longueur (´Mum´, ´White Fish´), passant d´un minimalisme feutré (généralement bluesy), avec une tension palpable à une explosion, voire une joie régénératrice. La voix assez grave possède quelques accents magnétiques qui donneront l´impression à l´auditeur d´être familière. L´accent français ne représente aucunement un problème et fait très couleur locale (´The Kitchen Floor´, très nasal sur ´Slow Surfin´, ´Hitzek´ chanté dans une langue étrange). On admirera le duo étincelant sur ´Dirigeable´ où masculin et féminin, d´abord séparés, apportent leur poids au crescendo final en se rejoignant. Si les paroles sont assez noires ou sarcastiques, l´ajout d´une panoplie hétéroclite d´instruments permet d´apporter un peu de lumière. Les percussions sont redoutables, l´accordéon aérien, les violons ténébreux sans être funèbres (´The Kitchen Floor´), l´harmonica nous offre un aller sans retour au plus profond des USA (sur les blues ´Slow Surfin´ ou ´Hank´ où il a droit à son solo). Quant à la guitare, grande ordonnatrice, son rôle est également au plus près de la lumière (´Mum´, ´Dirigeable´). ´Roue Libre´ au nom prédestiné se démarque des autres par son chant rap et ses rythmiques mêlant blues et hip-hop tandis que ´Les Fils de Poutine´ s´empare du folklore russe avec une certaine bonhommie.
Cet album a les défauts de ses qualités : le groupe est généreux mais aurait pu envisager de restreindre son propos (23 pistes pour plus d´une heure d´écoute). L'auditeur se retrouve très vite submergé par un son blues de luxe, même s'il est mené de main de maître,. Certaines chansons, en particulier dans la première partie de l´album, apparaissent rapidement comme des doublons. A cela s´ajoute la BO du film ´´Fishing In The Moonlight´´, plusieurs instrumentaux qui se succèdent pour offrir un voyage instrumental supplémentaire à l´intérêt dispensable.
The Very Small Orchestra nous fait goûter à l´ivresse d´un voyage universel avec un orchestre de poche. Largement dominé par le blues, le groupe tempère un propos lourd en invitant des instruments originaux dans le paysage actuel qui nous permettent de nous envoler. Toutefois, les portions sont un peu trop garnies et si la longueur des concerts est assurée, l´auditeur risque de regarder sa montre.