Une chose est sûre, Eyestral ne se cache pas derrière son petit doigt. Le groupe a affiché la couleur de son influence principale dès son premier EP "Beware The Rat King" en 2016, en reprenant ‘Scavenger Of Human Sorrow’ de Death. Et ce choix ne doit rien au hasard. Ce titre figurait initialement sur le dernier album des pionniers du death metal, "The Sound Of Perseverance", sans doute le plus progressif. Ainsi Eyestral s’inscrit dans la mouvance old school d’un metal extrême qui défonce la boite crânienne à grand renfort de riffs assassins et de rythmiques complexes, à la frontière du death et du thrash metal progressif.
"Beyond", le premier album du quatuor rouennais, est un album exigeant qui nécessite plusieurs écoutes pour en assimiler la densité. Trois des huit titres qui le composent se distinguent par leur durée (frôlant pour certains les dix minutes), par leurs structures clairement progressives et par leur ambiance très cinématographique : ‘Beyond Sight’, ‘Beyond Comprehension’ et ‘Beyond Acceptance’. Avec son déluge de riffs, de double pédale et de breaks rythmiques, ‘Beyond Sight’ est de loin le plus réussi. Le chant hurlé et criard d’Antoine Majora rappelle souvent celui de Chuck Schuldiner et déverse son acide dans les esgourdes de l’auditeur qui ne peut s’empêcher d’y entendre l’empreinte vocale du regretté chanteur de Death. Malheureusement le bât blesse lorsque le chant clair s’invite à la fête. Parfois à la limite de la justesse (‘Beyond Comprehension’), il affaiblit les compositions qui par ailleurs brillent par leur éclectisme.
Les cinq autres titres de "Beyond" ont tous les atouts pour plaire aux nostalgiques de la période faste du thrash metal, celle de la fin des années quatre-vingts et du début des années quatre-vingt-dix, lorsque Megadeth et Slayer régnaient en maîtres du genre. Riffs burnés, rythmiques dantesques et excellents solos de guitare (le très réussi ‘Cryptozoological Quest’) structurent ces morceaux et les emmènent parfois à la limite de la dissonance (‘Pearl & Phillips Street’, ‘Psychoanalysis’), comme pouvait le faire le Coroner de la grande époque.
Malgré une production un peu faible et un chant pas toujours maîtrisé, Eyestral nous délivre un album de thrash progressif intéressant et se pose comme l’héritier français de Death. Il ne lui reste plus qu’à faire naître l’émotion qui faisait le génie des compositions de Chuck Schuldiner. Vu le potentiel qu’affiche le groupe, ce sera certainement pour le prochain album.