Après quelques essais fructueux, Broken Wit Rebels, jeune groupe originaire de Birmingham s'attelle à l'enregistrement de son premier album. Souvent qualifié de The Black Crowes britannique, ce benjamin de la musique va batailler ferme pour prouver qu'il a assez d'originalité pour ne pas être prisonnier de ses influences. La musique de Broken Wit Rebels réussit une synthèse parfaite entre rock et blues, le jeune groupe ajoutant au son typique du delta du Mississippi une fougue et une énergie collant plus au rock.
La mécanique rythmique est redoutable, les enchaînements entre les séquences calmes et celles plus agitées de 'Georgia Pine' ou de 'Loose Change' sont particulièrement efficaces. La basse ronronne ('Shake Me Down'), les guitares sont toujours prêtes à s'envoler et à faire parler la poudre (l'orageux 'Snake Eyes', solo certes apaisé sur 'Getaway Man') tandis que la batterie nous rappelle sans cesse qu'elle ne peut être réduite à un instrument de mesure ('Howlin'). Le travail des musiciens se déroule dans une alcôve des plus étroites : à l'écoute de cet album, l'auditeur aura l'impression que le groupe en petit comité s'est déplacé dans son salon.
Broken Wit Rebels, c'est aussi et surtout cette voix chaleureuse, trempée dans l'acide (ou le bourbon, cela revient au même) qui invoque le spectre d'un Lemmy, d'un Captain Beefheart voire d'un Joe Cocker. Une voix éraillée qui ne se contente pas de singer des clichés du blues mais à les vivre de l'intérieur. Accompagné des chœurs sur 'Snake Eyes' et 'Low', le chanteur nous invite à le suivre dans ses prouesses (il est presque impossible de ne pas taper du pied ou de reprendre les refrains imparables).
Il est toujours intéressant de voir un jeune groupe s'aventurer vers d'autres terrains de chasse pour mesurer avec rétrospection le chemin accompli. 'Breathless' et 'Getaway Man' ont la forme hybride d'une ballade mélancolique sur les couplets et se transforment en brasier sur les refrains (avec à la clé un joli crescendo sur un break sur la première). 'Guns' s'essaie même à la pop et si cette tentative s'avère anecdotique (le blues finit par envahir le morceau), elle permet toutefois de servir de brouillon pour de futures créations. Et ces futures créations peuvent s'entendre plus tôt que prévu : l'ultime piste 'Wait For You' emprunte la route pop d'un Coldplay mais évite l'ennui grâce à la voix magnétique de son interprète et ses guitares planantes.
Broken Wit Rebels débute en fanfare avec un premier album éponyme. A la sueur et à la crasse du blues originel, les jeunes Anglais apportent une énergie à revendre et un peu de soleil. Décidés à ne pas se laisser dicter leur conduite, ils prouvent qu'en ce temps de Brexit, ils ne sauraient s'isoler, arpentant pour le futur de nouveaux terrains à fructifier. Nul doute que l'on entende parler de ces lascars dans ces prochains mois.