La présence de Nesh dans ses rangs ne doit pas vous tromper, Azziard - pour ceux qui ne le connaîtraient pas - ne noue aucun lien avec la chapelle pagan à laquelle le guitariste de Nydvind et ancien Bran Barr est associé. Si trois offrandes (dont celle qui nous intéresse présentement) et autres miettes habituelles, sans oublier une apparition sur la compilation culte "Christ Macabre", ont coulé sous les ponts depuis sa naissance en 2001, cette horde demeure encore (trop) méconnue. Ce n'est pourtant pas faute de talent et encore moins d'ambition. "Metempsychose" va-t-il corriger le tir ?
Nouveau label (Malpermesita), line-up régénéré autour du binôme que le six-cordiste forme avec le chanteur et dernier membre historique A.S.A. et prise de son concoctée dans l'enceinte des Hybreed et Vamacara Studios assurent déjà aux Français un contexte favorable. Délaissant désormais la Première Guerre mondiale et son funeste cortège de violences et de troubles psychologiques qui servaient de combustible à "1916" et à son successeur, Azziard s'inspire des travaux de Carl Jung, trouvant dans les compartiments les plus torturés de l'âme humaine le terreau propice à l'érection de cet art noir tranchant comme une lame de scalpel, radical dans sa froide brutalité.
Nous avions quitté Azziard il y a presque quatre ans avec le solide "Vésanie", nous le retrouvons aujourd'hui, avec ce troisième méfait, plus impressionnant encore de maîtrise aussi bien dans la forme (technique affûtée, production acérée) que dans le fond (ambiances sévèrement tourmentées, écriture d'orfèvre). Presque transcendé, le groupe est devenu grand. Il suffit d'écouter 'Le Sacrifice', abîme terminal rongé par une démence baroque et grandiloquente, qui étire sur plus de neuf minutes un maillage vertigineux aux multiples couches, pour mesurer à quel degré de perfection les musiciens sont parvenus.
Gonflé d'une noirceur abrasive, "Metempsychose" a quelque chose d'un bloc qui frappe d'emblée par sa terrifiante densité dont le corollaire est ce contenu tendu comme le foc d'un navire. Intense et charbonneux, son menu dresse des murs sinistres derrière lesquels la noirceur abyssale de la psyché qui y est enfermée se manifeste par l'entremise d'implacables saignées. Perforés de nombreuses fissures d'où suinte un stupre malsain, ces titres ont des allures de labyrinthes où l'agressivité brute et impétueuse copule avec des atmosphères fiévreusement glaciales, témoin ce 'Unus Mundus' déchaîné comme un torrent en crue.
Tout du long, la folie rôde ('Le Meurtre du Héro'), vermine gangreneuse qui trouve dans les vocalises hallucinées de A.S.A. un réceptacle démentiel, cependant que les intrusions grumeleuses de Julien Truchant (Benighted) et de Psycho (Antilife) plongent cette large palette vocale dans un gouffre horrifique qui colle idéalement au thème de l'album. Viscéralement agressif quand il tabasse avec une menaçante délectation ('L'Anchorète', 'Psych'), ce qui ne l'empêche jamais de serrer le frein à main ('L'Enfer'), arborant alors un visage pesamment malsain, Azziard souligne avec cet opus remarquable les traits d'un black metal enragé aussi rampant que cérébral.
Rien ne devrait plus freiner l'ascension de cet artisan hexagonal parmi les plus redoutables du genre auquel il offre une expression adulte débarrassée du fatras folklo-occulte de rigueur.