Il aura fallu du temps à Tonochrome, formation cosmopolite installée à Londres, pour se décider à faire paraître son premier album. Le groupe s’est en effet formé en 2011 et n’avait produit à ce jour que trois EP, le premier éponyme en 2012, "Interference" en 2013 et "Not Gonna End Well" en décembre 2017. La lacune est désormais comblée avec la sortie de "A Map In Fragments" en ce mois de février 2018.
Malgré ce long délai pour enfanter ce premier LP, le line up est remarquablement stable. Autour d’Andres Razzini, chanteur et tête pensante de la formation, on retrouve depuis l’origine Charlie Cawood à la guitare et Steve Holmes aux claviers. Jack Painting s’est installé derrière la batterie dès le deuxième EP. Seul le poste de bassiste semble être doté d’un siège éjectable puisque chaque production voit l’arrivée d’un nouveau musicien, Alon Morgan qui officie sur "A Map In Fragments" ayant déjà été remplacé entre l’enregistrement de l’album et sa sortie dans les bacs. Cinq bassistes pour quatre disques, Tonochrome frise un record.
Si l’on en croit leur site officiel, les musiciens de Tonochrome se jouent des conventions, ne cherchant guère à rentrer dans une case. S’il est vrai que l‘album n’est pas dépourvu de menues surprises, sa musique peut quand même être définie majoritairement comme un rock alternatif aux tonalités grunge. Les compositions ne sont pas difficiles à aborder, prenant souvent une forme couplet-refrain, mais laissent néanmoins une sensation étrange entre les oreilles, une impression d’étrangeté probablement due à des mélodies un peu fuyantes, un chant lancinant et la présence sur certains titres d’instruments à cordes et à vent.
Le chant, assez neutre, reste dans un registre mélancolique, parfois désabusé. Les chansons laissent de larges espaces aux passages instrumentaux, notamment les trois ‘Interlude’, et si l’atmosphère qui s’en dégage est souvent sombre et intimiste, elle se pare parfois d’harmonies dansantes (le final au violon de ‘The Ridge’, le funky ‘Just Like Us’ et le chaloupé ‘Humbled and Broken’ à la mélodie sud-américaine). Les racines boliviennes d’Andres Razzini se retrouvent d’ailleurs saupoudrées sur plusieurs titres comme ‘Just Like Us’ ou l’atmosphérique ‘Disputed Area’.
Ces quelques changements de styles entachent d’ailleurs quelque peu la cohérence de l’ensemble, la mélancolie intimiste des premiers titres se combinant mal aux musiques sud-américaines plus légères de la fin d’album. Et que dire du dernier titre, ‘The Missing Piece’, dont le caractère avant-gardiste teinté de free jazz, certes très réussi, ne cadre absolument pas avec le reste ?
Si "A Map In Fragments" dégage un certain charme, il manque d’une pointe de charisme pour complètement convaincre et est desservi par son manque de cohérence empêchant l’auditeur de s’immerger pleinement dans sa musique.