Mick Moss, seul maître à bord depuis plus de 10 ans signe ici le septième album d'Antimatter après un live sorti en 2017 et suite à une collaboration avec Gleb Kolyadin du groupe Iamthemorning.
L'album précédent "The Judas Table", paru en 2015, déjà très sombre dans la droite ligne de la musique proposée par Mick Moss et Antimatter depuis maintenant plusieurs années, contenait des aspects lumineux, des arpèges clairs, presque doux. Avec "Black Market Enlightenment", on passe un nouveau cap dans la noirceur poétique, romantique et fortement émotionnelle et avec toujours autant d'intensité. 'The Third Arm' nous plonge en effet tout de suite dans un abîme quasi explosif de mélancolie qui fait à la fois très mal pour les gens les plus sensibles mais qui peut aussi avoir un effet libérateur avec ses sourdes nappes de claviers omniprésentes. La voix légèrement tremblotante de Mick Moss conforte encore le malaise et la profondeur émotionnelle, le côté fragile et tragique. Ce titre absolument bouleversant et sensible constitue une entrée en matière hypnotique et d'une incroyable force.
L'album n'est pas qu'une route infernale et noire, il comporte également de nombreux passages d'une lumière souvent tamisée, parfois plus éblouissante. Ainsi des sons de flûtes, de guitares, de cordes nous renvoient inévitablement vers des instants où l'on reprend son souffle, où l'on prend un peu de hauteur comme pour mieux mesurer l'étendue de la morne plaine qui s'étend sous nos oreilles cotonneuses et feutrées. La voix féminine évoquée sur 'This is Not Utopia', sorte de ritournelle un peu morbide et 'Between The Atoms' entre autres relève de cette belle lueur évanescente. L'énergie du désespoir déployée dans 'Wish I Was There' confine à la beauté sublime.
Certains titres tanguent entre lourdeur et énigme aérienne, à l'image de 'Partners In Crime' dans une sorte de cohérence un peu forcée mais dans laquelle on se laisse néanmoins volontiers porter. D'autres offrent des facettes plus épurées qui amènent délicatement vers une intensité très fortement portée par une basse très présente. 'Sanctification' est une forme de lente construction qui s'immisce petit à petit dans les méandres de nos sentiments ambigus avant un 'Existential' à l'ambiance orientalisante qui parvient à nous mettre mal à l'aise avec sa guitare dissonante. L'aspect le plus électrique et le plus metal s'exprime parfois ('Between The Atoms') dans un exercice qui rappelle un peu Riverside. Le dernier titre 'Liquid Light' est un peu moins convaincant, trop répétitif, trop systématique malgré une belle montée en puissance finale.
Antimatter signe là un album magnifique, d'une douce noirceur qui confine parfois au sublime. Avec une grâce difficile à décrire, Nick Moss parvient à nous captiver avec un certain génie, sans en faire des tonnes, avec de belles émotions, tout simplement.