Dans une cave sinistre, un androïde au sourire mentholé (à l'image du look du chanteur sur scène) s'applique à frapper un zombie d'une batte sur laquelle on peut lire la mention ''Fuck The World''. Cette agression a pour témoin de curieuses créatures féminines aux courbes engageantes flottant dans un long tube. Après un premier album remarquable, ce nouvel EP de Shaârghot entend casser notre corps, ce que l'on peut imaginer comme une attaque viscérale ou nous forcer à nous contorsionner.
Les deux hypothèses se confirment sur ce premier EP. En vingt minutes, le groupe français nous ouvre les portes d'une discothèque de l'horreur comme on n'en fait plus. L'énergie metal indus proche des sursauts de Killing Joke a sorti toute son artillerie : les guitares et claviers ne nous laissent guère de moment de répit et nous prennent directement à la gorge d'entrée de scène après l'introduction grandiloquente de 'Doomsday'. De la voix sale proche de Marilyn Manson, les mots semblent dégouliner comme vomis ou sortis d'une bouche monstrueuse. 'Kill Your God' prend un tempo vertigineux avant de le ralentir drastiquement pour repartir de plus belle. Voilà une belle concrétisation sonore de la torture par l'eau. Mais paradoxalement, les rythmiques electro nous invitent à taper du pied. L'énergique titre éponyme avec ses chœurs déglingués (en fait chantés par une femme comme sur 'Kill Your God'!) en écho pourrait permettre à des petits minets timides d'inviter quelques goules sur les dancefloors.
L'album se clôt sur une ultime piste 'Bucolikiller' (reprise de Heys) particulièrement réussie. Dès son introduction (qui rappelle celle de 'Doomsday'), le clavier égrène une mélodie funèbre, la voix se fait plus humaine (il s'agit de celle de Loki Lonestar), plus touchante dans ses faiblesses. Le morceau, sans cesse contaminé par une vague electro, poursuit tant bien que mal son chemin, gardant comme cap une atmosphère mystérieuse marquée par un obsédant jeu de claviers. Nul doute que le terme unheimlich (''l'inquiétante étrangeté'') de Sigmund Freud convient à l'atmosphère dégagée par les parties les plus tendues de ce morceau.
Avec ''Break Your Body'', Shaârghot actualise le livret du ballet ''Giselle'' où une malheureuse créature était forcée de danser éternellement jusqu'à ce que mort s'ensuive. Espérons toutefois que le groupe ménagera la vie de son auditeur zombifié. Un premier EP qui restitue l'horreur et la peur que ce groupe est capable de susciter sur scène. Masochiste ou sous le charme, notre zombie ne peut que réclamer une seconde lecture.