Tuomas Holopainen est l'âme de Nightwish mais aussi un homme qui a besoin de se retrouver pour des projets en solo afin de montrer l'étendue de son talent et sortir de l'univers metal symphonique et épique de son groupe. Enfin seul, pas tout à fait. Déjà auteur d'un album sur la jeunesse de Picsou en 2014 ('The Life And Times Of Scrooge'), il revient en cette année avec Auri, un trio qu'il forme avec Troy Donockley (guitares, claviers, bouzouki, cornemuse, low whistles, aérophone, bodhram) et son épouse Johanna Kurkela (chant).
La concrétisation de ce projet a été longue à arriver, le premier titre 'Aphrodite Rising' ayant été composé en 2011. Les raisons de ce long délai sont multiples comme les activités de Nightwish, les pauses éventuelles dans lesquelles l'inspiration pouvait manquer, les soucis d'agenda pour réunir tout le monde. Sept ans plus tard, "A Voice Behind The Mirror" voit enfin le jour avec son lot de mystères sur lesquels le rideau se lève progressivement.
Les contes et l'heroic fantasy ont nourri l'imagination de Tuomas dont la musique possède une force cinématographique incroyable et ce n'est pas Auri qui va démentir ce constat. Évoquant une histoire de fantômes s'adressant aux vivants (ici l'âme est féminine), cette œuvre est propice pour l'auditeur à se forger sa propre imagerie. C'est là que réside la force des travaux de Tuomas.
Naviguant sur une base folk celtique, "A Voice Behind The Mirror" alterne les moments de calme où la musique se suffit presque à elle-même ('The Name Of The Wind') et les moments qui accrochent immédiatement l'oreille avec des mélodies lumineuses, aux arrangements simples et subtils rappelant le versant pop/rock celtique de Mike Oldfield ('The Space Between', 'Night 13' et 'Aphrodite Rising'). Le romantisme est aussi de rigueur avec la perle que constitue le duo de 'Desert Flower' dans lequel les voix se font émouvantes avec ce questionnement masculin auquel répond le chant féminin qui porte d'ailleurs littéralement cet album. La voix de Johanna est le vecteur d'une émotion tout en maîtrise sans trop en faire comme c'est trop souvent le cas pour ce genre d'album.
Les moments de tension sont également légion comme lors de la magnifique construction instrumentale 'Skeleton Tree' avec le très bon travail sur les percussions et les différentes pistes qui s'imbriquent au fur et à mesure que le titre avance ou 'See' avec ses quelques moments orientaux. Les instruments plutôt rares comme l'aéorophone ou le bouzouki apportent une touche un peu world et dépaysante - d'autant que l'album a été enregistré aux studios Real World d'un certain Peter Gabriel.
Se distinguant de Nightwish, dont il partage ce côté émotionnel et imaginaire important, par son approche plus sereine et exempte de toute velléité metal, "A Voice Behind The Mirror" est avant tout une musique qui se vit, s'interprète, dans laquelle se perdre. Un projet presque féminin, à la fois fragile et fort. Laissez-vous dérouter par ce conte pour toute la famille.