Malgré ses (quasi) trente ans au compteur, Necrophobic est toujours là, au gré d'incessants changements de personnel autour de son dernier membre historique, l'inamovible batteur Joakim Sterner. Alors que le recrutement en 2011 de la paire de bretteurs Robert Sennebäck et Fredrik Folkare, tous les deux issus des rangs du vétéran Unleashed (entre autres), avait injecté un peu de sang neuf à cette mécanique bien huilée, cette incarnation n'aura contre toute attente duré le temps que d'un seul album, le controversé "Womb Of Lilithu".
Pourtant pilier de la formation, d'abord en tant que bassiste avant d'occuper le poste de chanteur à partir de 1994, Tobias Sidegård a lui aussi quitté le groupe après l'enregistrement de ce septième méfait. Amputé de ses deux-tiers, ce vieux mercenaire de la scène extrême scandinave aurait pu jeter l'éponge mais c'est mal connaître le capitaine au long cours Sterner, qui n'a pas eu besoin de fouiner bien loin pour pallier ces départs successifs. En rappelant dans le giron maternel les guitaristes Sebastian Ramstedt et Johan Bergebäck et, plus surprenant, le chanteur Anders Strokirk qui enregistra en 1993 le matriciel "The Nocturnal Silence", que d'aucuns considèrent comme son meilleur album à ce jour, le combo adresse un signal rassurant aux fans inquiets de ces bouleversements. Mais il envoie aussi l'image d'une formation bloquée dans un passé glorieux.
Signée par le célèbre Kristian Wåhlin (Necrolord), la pochette de "Mark Of The Necrogram" s'avère à ce titre pour le moins éloquente, louchant sans imagination sur celle du "Far Away From The Sun" de Sacramentum et donnant du coup l'impression qu'une relique des années 90 vient d'être exhumée. Sentiment qui plus est confirmé par une entame éponyme qu'on croirait s'être échappée de "Storm Of The Light's Bane" de Dissection ! Après un "Womb Of Lilithu" plus death que black, Necrophobic renoue très franchement avec cet art noir aussi bouillonnant que nocturne tel qu'il était pratiqué il y a vingt ans par les Suédois (au sens large) avec dedans une bonne dose de mélodies acérées.
Est-ce que cela fait pour autant de cette huitième offrande un bon album ? Si l'habileté de musiciens extrêmement affûtés n'est plus à démontrer, on ne peut en revanche que regretter ce fâcheux manque d'audace qui leur dicte une partition certes ultra efficace, qui devrait ravir les nostalgiques des nineties, mais dépouillée de la plus petite trace d'originalité. Il n'y a par conséquent aucune surprise à espérer de "Mark Of The Necrogram", dont les dix hosties martèlent un black death anachronique qu'il n'est cependant pas interdit d'apprécier.
Riffs incisifs, soli gorgés de mélodies ténébreuses ('Pesta') et ambiances qui répandent une nuit éternelle ('Tsar Bomba') constituent l'arsenal crépusculaire d'un groupe dont la science de l'attaque millimétrée demeure inoxydable, même si l'ensemble sonne presque gentillet ('Requiem For A Dying Sun'), théâtre de saillies guitaristiques plus belles que menaçantes ('Odium Caecum'). S'ils ont un goût tenace de déjà-entendu, des titres tels que 'Mark Of The Necrogram' ou 'Sacrosanct', reposent sur une écriture imparable réglée comme une machine, marque de vieux briscards, qui les rend aussi nerveux qu'ensorcelants.
Reste que, de ses textes stéréotypés à sa pochette d'un autre âge, sans oublier ces motifs usés jusqu'à la corde et cette conclusion instrumentale quelconque, cette cuvée ne brille pas par son originalité et ne devrait pas permettre à ses géniteurs de relancer une carrière en demi-teinte d'éternels second couteaux. Malgré tout, Necrophobic demeure un nom qui fait vendre. Century Media ne s'y est pas trompé en le signant après un court passage chez Season Of Mist...