Il y a déjà quelques décennies, une formation allemande répondant au nom de Kingdom Come avait subi les foudres des critiques et du milieu du hard rock en raison d’une trop forte ressemblance avec Led Zeppelin. Cette ressemblance étant renforcée par la proximité des voix de son chanteur et leader, Lenny Wolf, et de Robert Plant, le pourtant talentueux groupe teutons avait essuyé un tsunami de critiques et railleries en tous genres. Autres temps, autres mœurs, 30 ans plus tard, et alors que le fameux mouvement revival n’en finit pas d’étendre son impact, l’accueil réservé à Greta Van Fleet, quatuor originaire du Michigan et formé autour des trois frères Kiszka, est loin d’être aussi négatif. Bien au contraire, leur EP 4 titres intitulé "Black Smoke Rising" et sorti en avril 2017 a reçu une volée de critiques dithyrambiques. Pourtant, entre la voix de Josh Kiska qui ressemble comme deux gouttes de scotch à celle de Robert Plant, les riffs et les soli de Jack Kiska qui pourraient sortir de la guitare de Jimmy Page, et la frappe de mule de Danny Wagner qui n’a rien à envier à celle de John Bonham, il aurait eu de quoi dire si ce disque était sorti en 1988.
Voici donc que débarque un nouvel EP, 8 titres celui-ci, intitulé "From The Fires" et reprenant en fait les 4 titres de "Black Smoke Rising" auquel 4 nouveautés ont été adjointes. Et pour ceux qui seraient passés à côté de Greta Van Fleet en 2017, la claque est assurée. Dès le cri introductif de ‘Safari Song’, le voyage dans le temps est spectaculaire et il ne faudrait pas en vouloir à certains de rêver d’avoir déniché des inédits du Dirigeable. Groovy et bluesy avec une énergie irrésistible et un riff hyper accrocheur, ce titre risque fort de déstabiliser tous ceux qui se préparaient à tirer à vue sur ce nouveau Led Clone annoncé. Car il va être là, le dilemme : que retenir principalement de cet opus ? Son identité clairement calquée sur le meilleur de Led Zeppelin, ou sa qualité incontestable doublée d’un enthousiasme imparable ?
Car d’un côté, et au-delà des éléments déjà exposés en introduction, la parenté est plus que prégnante sur un ‘ Flower Power’ portant bien son nom avec ses montées dans les aigus parfaitement maitrisées, son solo solaire et son final planant à l’orgue Hammond. Idem sur la cover du ‘A Change Is Gonna Come’ de Sam Cooke avec ses chœurs gospels et son chant dégoulinant de soul pour une grosse puissance évocatrice, ou sur le single ‘Highway Tune’ à l’énergie et au groove contagieux. Quant à ‘Black Smoke Rising’, il fait office d’hymne en puissance avec son refrain qui emporte tout sur son passage et son break folk-rock vaporeux. Au milieu de tout ça, il est tout de même possible de trouver quelques ouvertures vers d’autres horizons. C’est le cas d’un ‘Edge Of Darkness’ faussement désinvolte et envoûtant aux légers accents dignes des Black Crowes. Avec son refrain hyper accrocheur, la reprise du ‘Meet On The Ledge’ de Fairport Convention profite de guitares psychédéliques, tandis que ‘Talk On The Street’ lorgne plus vers un rock plus direct aux allures de Rolling Stones.
Alors que le groupe est annoncé comme "the next big thing", il serait intéressant de connaître l’avis de Lenny Wolf face à une telle différence de traitement à trois décennies d’écarts. Il est probable que le sentiment d’injustice doit l’emporter et ce serait compréhensible. Pourtant, les amateurs de retour dans les années 70 vont pouvoir s’en donner à cœur-joie car la qualité de cet opus est incontestable. En plus d’une interprétation sans faille et d’un talent évident, les frères Kiszka et leur confrère batteur ajoutent une fraîcheur et une spontanéité qui rendent impossible toute forme de résistance. Il reste cependant souhaitable que Greta Van Fleet trouve rapidement une identité plus affirmée car le rôle de clone, aussi talentueux soit-il, risque fort de les enfermer rapidement dans un carcan trop étroit.