C’est toujours la même histoire. Un talent arrive sous les projecteurs et la presse s’en empare, le porte au pinacle et le présente comme le nouvel untel, l’héritier de trucmuche et le fils spirituel de machin-chose. Malina Moye n’y a pas échappé. Pensez donc, un joli bout de femme noire au sourire ravageur et aux poses suggestives, guitariste et gauchère de surcroît ! Il n’en fallait pas plus aux journalistes américains pour la qualifier de Hendrix féminin dès son premier album "Diamonds & Guitars" en 2009. La belle s’est laissé faire et elle aurait eu tort de s’en priver. Une femme d’affaires avertie en vaut deux. Sa promotion était assurée. D’autant plus que la marque de guitare Fender en a fait son égérie afro-américaine et lui a permis de participer à l’Experience Hendrix Tour aux côtés de Eric Johnson, Kenny Wayne Shepherd et Jonny Lang. Une sacrée carte de visite pour tenter aujourd’hui de se faire un nom en Europe, où elle est encore pratiquement inconnue et où elle déboule avec son nouvel album "Bad As I Wanna Be".
Certes il faut bien avouer que les femmes guitar heroes sont rares. Mais il faut raison garder avant d’attribuer ce qualificatif à Malina Moye. Car mis à part le fait qu’elle soit gauchère, la comparaison avec Hendrix s’arrête là. D’abord parce qu’elle joue avec bien plus de cœur que de technique. Ensuite parce que son style de jeu repose sur un accordage inversé, cordes graves en bas et cordes aigûes en haut du manche, ce qui l’apparente à Eric Gales plutôt qu’au grand Jimi. Enfin parce que sa musique est un mélange de funk rock et de soul fortement inspiré de Lenny Kravitz, dont l’influence est particulièrement prégnante sur les titres ‘A Little Rough’, ‘Run Free’ et sur la reprise de ‘If 6 Was 9’ d’Hendrix rebaptisée ‘If 6 Were 9’ comme l’avait fait le célèbre New-Yorkais.
Malina Moye et Lenny Kravitz cumulent de fait beaucoup de points communs : un look sexy très étudié, une volonté d’aborder plusieurs styles au risque de perdre toute personnalité artistique et un grand écart permanent entre musicalité inspirée des années soixante-dix et mièvreries radiophoniques. "Bad As I Wanna Be” aurait pu être un très bon album funk rock. Les titres ‘Jumpin’, ‘Betta You’ et ‘K-Yotic’ sur lesquels plane l’ombre pourpre de Prince sont dans ce style plutôt réussis. De même la voix soul de la chanteuse fait des merveilles sur le morceau ‘Enough’, bel hommage à l’éducation musicale héritée de son père, bassiste de Bernard Alison, et de sa mère, choriste de Tina Turner. Hélas Malina Moye sait aussi qu’elle a conquis les charts américains avec deux singles RnB d’une extrême platitude : ‘Alone’ en 2011 et ‘Are You The One’ en 2016. Ce dernier figure donc sur "Bad As I Wanna Be” et fait la paire avec le médiocre ‘Woman 2 Woman’ pour rompre la cohérence de l’album et renvoyer l’auditeur à ses interrogations quant à la vraie personnalité artistique de l’Américaine.
Artiste prometteuse ou produit marketing made in USA, l’avenir nous le dira. Musicalement en tout cas, "Bad As I Wanna Be” nous laisse à la fois espérer le meilleur et entrevoir le pire et ne permet pas de trancher sur les réelles motivations artistiques de Malina Moye. L’album mérite tout de même une écoute, au moins pour permettre à chacun de se faire sa propre opinion. Ou pas.