Alors que les maîtres du death progressif originel ont totalement disparu de la scène metal (Edge of Sanity) ou bien ont changé de cap pour s’orienter vers un rock progressif hommage à celui des années 1970 (Opeth), la relève n’a jamais été réellement assurée depuis, la tendance étant au metal prog djent dans laquelle s’est engouffrée une multitude de groupes talentueux (Textures, Periphery…). Que reste-t-il donc de ce style qui jalouse secrètement son siamois black progressif qui, lui, continue de se régaler des offrandes d’un Enslaved, Borknagar et autres Ihsahn ?
Entre les balbutiements malgré tout prometteurs d’un Between the Buried and Me à l’occasion de "Coma Ecliptic" et quelques timides growls intégrés dans chaque sortie prog metal majeure (ou non), laissant à penser que ce genre a encore un futur, aucune sortie n’a réellement pu étancher la soif des fans. Il ne reste donc finalement que Barren Earth qui depuis 9 ans et la sortie de l’ultra-prometteur EP "Our Twilight" n’a cessé de confirmer son statut au travers de trois livraisons remarquées par la presse spécialisée et couronnées par une signature chez le géant Century Media pour la sortie du précédent méfait "On Lonely Towers".
Depuis ses débuts, le line-up du all-star band finnois n’a pas connu de changement majeur si ce n’est le départ marquant de son frontman Mikko Kotamäki parti se consacrer pleinement à son groupe Swallow the Sun, remplacé par Jón Aldará - connu pour ses prestations au sein de Hamferð - et Antti Myllynen qui a quant à lui remplacé Kasper Mårtenson aux claviers. Cette stabilité et le passé discographique sans faute laissent à penser que le sextet va poursuivre sa carrière sans déroger à la règle qu’il s’est fixée. Et c’est effectivement ce qu’il va faire pour notre plus grand plaisir !
Même si l’entame instrumentale de ‘The Living Fortress’ évoquera plus un Dream Theater époque "Awake" et si les premières lignes de chant clair pourront déstabiliser les habitués du genre, très rapidement et dès les premières montagnes russes agrémentées de growls, il ne fait aucun doute que Barren Earth s’obstine à arpenter les chemins sinueux du death progressif défrichés par les précurseurs suédois.
Cette tendance est confirmée dès le deuxième titre ‘Ruby’ et ‘Further Down’ dans un registre death prog vigoureux et jubilatoire sublimé par une rythmique furieuse et hypnotique calquée sur ‘Deliverance’. Le parallèle avec Opeth v 1.0 est d’autant plus évident que le chant guttural de Jón Aldará est la parfaite alternative pour tous ceux qui comme nous en sont sevrés depuis 10 ans, derniers growls en date de la référence du genre sur "Watershed".
Même si par la suite, Barren Earth ralentit le tempo avec ’Zeal’, cela n’altère en rien l’enthousiasmante recette clair-obscur entrevue depuis le début. Dans ces conditions, le travail varié de Antti Myllynen évoquant la plupart du temps Jon Lord est primordial, comme en témoigne l’intro envoutante de ‘Zeal’ justement qui pourra évoquer le Ayreon de "Into the Electric Castle"…
Ceux qui pensent encore que Barren Earth serait un mix entre les influences de chaque musicien en seront pour leurs frais, les notes folk qui parsemaient les précédentes livraisons ont quasiment disparu, ne laissant plus que les digressions orientales sur le pavé ‘Solitude Pith’ qui s’embrase crescendo sur sa seconde partie à tiroirs, comme le groupe l’avait fait avec succès par le passé sur ‘Oriental Pyre’ tiré de "The Devil’s Resolve".
Les titres s’enchaînent dans cette veine totalement addictive sans aucun répit avec la ballade finale ‘Withdrawal’ qui clôt ce quatrième chapitre tout en douceur. Si bien que nous aurions pu énumérer et faire l’apologie des neuf titres en présence sur plus d’une heure de musique, car "A Complex of Cages" est un condensé de ce que le death progressif issu du croisement du death metal et du rock progressif des années 1970 offre de meilleur. Le seul élément source d’éventuelle insatisfaction pourrait résider dans le chant clair de Jón Aldará, assez éloigné des standards auxquels nous étions habitués. Mauvaise habitude liée à une surconsommation excessive de la référence Åkerfeldt en la matière ? Toujours est-il que la tessiture grave et les intonations théâtrales dans les parties claires de Jón Aldará peuvent rendre son propos moins persuasif.
Au final, "A Complex of Cages" est un vrai soulagement pour tous ceux qui pensaient que le style avait rendu son dernier râle sur "Watershed". Avec cette nouvelle livraison dans le prolongement prometteur de ses devancières, Barren Earth prouve que le death progressif n’est pas mort et se pose désormais en leader unique d’un genre déserté qui n’attend qu’une locomotive de talent pour relancer la machine. Reste désormais à savoir si les membres du line-up laisseront une place au projet Barren Earth pour se développer et valider nos propos dans leurs agendas surchargés avec leurs groupes respectifs Amorphis, Kreator, Waltari, Moonsorrow et autres Hamferð…