Enfanter un double album, même en publiant à un an d'intervalle les deux parties qui le composent est une entreprise ô combien casse-gueule car grand est le risque de pêcher par excès d'ambition, que l'on songe à Guns'N' Roses ou même à Helloween dont le "Keeper Of The Seven Keys" n'a pas tout à fait évité les baisses de régime. Mais il arrive parfois que les petits réussissent là où les ténors ont (un peu) échoué. Tel est le cas de Kobra And The Lotus qui, s'il ne peut soutenir la comparaison avec ses aînés en termes de succès commercial, a relevé haut la main ce défi.
Un an après s'être délestés de "Prevail I", les Canadiens sont donc de retour avec le second segment de ce diptyque qui fera date dans leur carrière. Ayant été capturés en même temps sous la houlette du producteur danois Jacob Hansen, ingénieur au palmarès prestigieux (Epica, Pretty Maids...) qui aura su enrober d'un fuselage plus puissant le heavy metal forgé par le groupe, les deux pans se révèlent très proches l’un de l'autre. Pourtant et même s'il ne s'agissait pas de leur donner une coloration différente, comme a pu le faire Opeth avec "Deliverance" et "Damnation", "Prevail II" se distingue doublement, quoique de façon discrète, de son devancier. Tout d’abord en se faisant plus imparable et irrésistible encore.
De fait, loin d'avoir montré tout son jeu lors d'un premier volet de haute volée, Kobra And The Lotus témoigne à nouveau de la fertilité de son inspiration en remplissant cette suite de dix titres auxquels sont ajoutées une reprise de Fleetwood Mac et une relecture acoustique qui ne sont pas loin de dépasser de la tête et des épaules leurs prédécesseurs. Le menu s'étale sur plus de cinquante minutes que ne polluent ni remplissage ni faiblesse. Les hymnes se succèdent du premier single 'Losing My Humanity' aux traits plombés jusqu'au long 'White Water' dont la conclusion flamboyante fournit aux guitaristes l'écrin émotionnel pour s'exprimer, témoignant en cela que le désormais quintet ne se réduit pas à sa seule figure de proue, la chanteuse Kobra Paige, même si celle-ci rayonne tout du long en propulsant ces gemmes qu'elle farde d'une mélancolie à peine voilée ('Let Me Love You').
Ce qui nous conduit à évoquer la deuxième raison pour laquelle "Prevail II" ne livre pas exactement le même programme qu'il y a un an. Plus sombre, à l'image de son visuel, cet opus affiche une dureté à la fois agressive et désenchantée que recouvre l'ombre de Judas Priest, témoins les 'Human Empire' et 'You're Insane' qui ne dépareilleraient presque pas sur "Painkiller" grâce à une rythmique de bulldozer et les vocalises acérées de la belle qui n'a rien à envier au père Halford.
Equilibre parfait entre noirceur (relative) et écriture d'orfèvre à l'origine de tubes en puissance ('Heartache', 'Velvet Roses'), ce cinquième album hisse ses auteurs au sommet d'un heavy noble et racé dont la profondeur lui permet de les extraire du moule réducteur du simple metal à chanteuse.