Certaines tristesses imposent le respect. Elles sont si profondes, si vraies, si authentiques qu’elles deviennent une force. Alors il ne faut pas les déranger. Juste les écouter et s’imprégner de leur beauté. Sublime, forcément sublime, la voix de Cammie Gilbert nous dit toutes les tristesses du monde et les transforme en souffle de vie. La mélancolie comme résistance au monde. La beauté divine d’une voix féminine comme remède au chagrin. Celui qui a dit que la perfection n’était pas de ce monde n’a jamais entendu la voix de Cammie Gilbert. La chanteuse d’Oceans Of Slumber n’en fait jamais trop, ne force jamais sa voix, et au final, c’est elle qui nous console. Evidemment, puisque nous n’aurions jamais osé faire le premier pas, subjugués par tant de charisme et de profondeur. "Can you see it? Can you feel it? Finally you are in my arms” chante Cammie. Résister est impossible.
Oceans Of Slumber en avait surpris plus d’un en 2016 avec la sortie de "Winter". Si bien que le groupe texan fut engagé pour la tournée d’Enslaved aux côtés de Ne Obliviscaris. Mais le couple de Dobber Beverly n’y a pas survécu. Pour surmonter son chagrin, comme beaucoup avant lui, le batteur, pianiste et directeur artistique du quintet s’est réfugié dans la musique et dans la composition de "The Banished Heart". Il y a mis tout son désespoir et toute son âme. Avec une muse comme Cammie Gilbert, le résultat est un album d’une richesse et d’une intensité rares. Le metal progressif des débuts a cédé la place à un death-doom lourd, sombre et poignant dans la lignée de My Dying Bride, The Gathering ou des premiers albums d’Anathema.
Mais réduire l’album à un genre précis serait le desservir car la force d’Oceans Of Slumber est sa personnalité et la complémentarité exemplaire de ses membres. Si la mélancolie prime, la rage n’est jamais loin. Ainsi la voix pure de Cammie Gilbert cède parfois la place à des growls savamment dosés (‘Fleeting Vigilance’, ‘At Dawn’) et les titres death metal aux riffs heavy et aux blast beats impressionnants (‘Etiolation’, ‘A Path To Broken Stars’) le disputent aux morceaux doom plus lents (‘The Decay Of Disregard’, ‘Howl Of The Rougarou’). Et puis il y a les pépites. Les titres intemporels dont la beauté n’a d’égal que la subtilité des compositions. ‘The Banished Heart’ d’abord, un pur joyau émotionnel et addictif. ‘No Color No Light’ ensuite, ballade metal déchirante et duo dévastateur entre Cammie Gilbert et Tom S. Englund, chanteur d’Evergrey.
Avec "The Banished Heart", Oceans Of Slumber abandonne la zone de confort du metal progressif à chanteuse et met sa vraie personnalité à nu, celle d’une rose noire éclose sur le terreau des chagrins de l’existence et dont tous les cœurs brisés sauront apprécier le parfum. Avec classe et douceur, l’album se clôt sur un gospel, ‘Wayfaring Stranger’, une ultime prière à l’auditeur, comme pour l’exhorter à se procurer cet album magnifique.