IHSAHN: Ámr (METAL PROGRESSIF) : avis / chronique à lire sur Music Waves

Si l’on reconnaît un grand artiste à sa capacité de se renouveler sans cesse tout en restant toujours le même, alors Ihsahn est un des plus grands. "Mon prochain album sera une sorte de retour en arrière vers le black metal mais d’une façon nouvelle." Voilà ce que déclarait le Norvégien dans l’interview qu’il a accordée à Music Waves lors de la sortie de son opus précédent "Arktis". Et il a tenu parole. Avec son septième album "Ámr", Vegard Sverre Tveitan fait une nouvelle fois preuve de son exceptionnelle créativité mais n’oublie pas pour autant qu’il est la figure emblématique d’un black metal symphonique et sophistiqué qu’il ne cesse de réinventer en solitaire depuis qu’il a mis un terme à l’aventure discographique d’Emperor.

Si l’univers musical d’Ihsahn est toujours en expansion, chacune de ses œuvres n’en contient pas moins les germes de la suivante. "Ámr" débute ainsi avec le grandiloquent ‘Lend Me The Eyes Of Millennia’ dont la puissance symphonique évoque autant Devin Townsend qu’elle fait écho au titre ‘Celestia Violence’ présent sur "Arktis". Si la magie opère immédiatement, c’est avant tout parce que le musicien n’a pas son pareil pour étoffer ses compositions de nouvelles couleurs harmoniques, en explorant les sonorités d’instruments qu’il choisit comme des marqueurs musicaux différents pour chaque album. C’était le cas du saxophone sur "After" et du Moog sur "Arktis". Pour "Ámr", ce sont les synthétiseurs analogiques qui sont à l’honneur. Tout le génie d’Ihsahn est de les intégrer à des titres metal aux riffs malsains et oppressants (‘One Less Enemy’) pour renforcer leur puissance mais aussi d’utiliser leur texture organique pour créer des ambiances mélancoliques, comme sur le très pop ‘Samr’.

Comme tous les opus d’Ihsahn, "Ámr" est un album unique, d’une richesse exceptionnelle et possède sa propre atmosphère, à la fois sombre et lumineuse. Les riffs dantesques (‘Wake’, ‘Marble Soul’) soutiennent les growls déchirants et les arpèges malsains de guitares saturées (‘Where You Are Lost And I Belong’) se conjuguent à des solos de guitare éblouissants réalisés par Ihsahn lui-même (‘Samr’) ou par Frederik Åkesson d’Opeth sur le brûlant ‘Arcana Imperii’. Pour autant, le musicien n’oublie jamais la mélodie et poursuit avec "Ámr" le travail entamé sur "Arktis" pour rendre sa musique toujours plus accessible. Car au milieu des ambiances sombres et intenses héritées du black metal surgissent, sur la quasi-totalité des morceaux, des refrains en chant clair qui irriguent progressivement l’album jusqu’à ce que la pop prenne définitivement le dessus sur ‘Twin Black Angels’ et ses sonorités new wave.

Toujours plus accessible et mélodique, la musique d’Ihsahn franchit ainsi un nouveau palier symphonique avec "Ámr", travail d'orfèvre qui réussit l’exploit d’être profondément novateur tout en étant étrangement familier. Au fil des ans et des albums, le Norvégien continue de construire sa légende, celle d’un artiste rare et d’un compositeur génial qui laissera à jamais sa marque indélébile dans l’histoire du metal. L’empereur est toujours là et n’est pas près d’être détrôné.

IHSAHN

ÁMR

SPINEFARM RECORDS

METAL PROGRESSIF