Mark Holley continue à se battre. Contre la maladie de Crohn qui le ronge, et sans doute aussi contre lui-même. Il y a deux ans, le premier album de Black Foxxes était un cri, une catharsis. Le chanteur y livrait ses tourments et son mal de vivre. La tournée qui s’en suivit fut difficile à gérer. La BBC en fit un reportage édifiant. Concilier la vie sur la route et les soins médicaux relevait parfois de la gageure. Holley en sortit épuisé et alla se mettre au vert en Islande pour composer, trouver un semblant de paix intérieure et apprendre à apprivoiser sa rage, "Reiõi" en islandais, titre du deuxième opus du groupe anglais.
Et ce qui devait arriver arriva. La rage s’est diluée dans la pop. L’urgence a cédé la place à une mélancolie policée. Le feu a disparu sous la glace. Le rock brut et délicieusement imparfait du "I’m Not Well" de 2016 n’est plus qu’un souvenir. "Reiõi" est un album pop rock mainstream efficace, bien produit mais malheureusement pas toujours à la hauteur du potentiel de Black Foxxes.
Hormis le titre ‘Joy’ et le superbe final de ‘Flowers’ qui renouent avec les racines grunge du groupe, beaucoup trop de morceaux sont de facture pop rock bien trop classique pour convaincre (‘Saela’, ‘The Big Wild’, ‘Am I Losing It’). Et même les titres les plus réussis laissent entrevoir un travail de composition qui vire au procédé dans ses montées en puissance redondantes (‘Breathe’, ‘Oh, It Had To Be You’). Reste la voix de Mark Holley, toujours aussi émouvante, souvent déchirante, capable de donner un supplément d’âme à des titres pourtant maintes fois entendus chez Radiohead (‘Take Me Home’, Float On’).
"Reiõi" n’est pas vraiment un album raté. C’est juste un album moyen, un album de britpop de plus destiné à un large public qui l’écoutera sans doute en le trouvant pas mal mais sans plus. Espérons que Black Foxxes passe vite au suivant et retrouve l’urgence des débuts. "Now I understand rage" chante Mark Holley sur le titre ‘Float On’. L’espoir est donc permis.