Derrière le pseudonyme Yungblud se dissimule le mystérieux Dominic Harrison. Ayant grandi dans un foyer musical, son grand-père aurait même joué avec Marc Bolan (cette information n'a cependant pas été prouvée), notre jeune homme de Doncaster se montre résolu à saisir au vol le témoin et esquisser sur un premier EP son plan de bataille.
Dès les premières mesures de 'King Charles', Yungblud nous ouvre les portes de son laboratoire coloré et chaloupé. Des rythmiques endiablées proches du hip-hop, des chœurs qui viennent s'immiscer dans cet hymne à la célèbre race canine. Si la basse est funk, l'énergie des guitares appose un sceau rock dont les Arctic Monkeys semblent une référence évidente. Yungblud répète cette recette sur les autres pistes avec plus ou moins de succès. Mais ce qui le distingue du tout venant, ce sont ses capacités à moduler différentes émotions par le prisme de sa voix. Rapide et vertigineuse, elle déploie autant d'énergie (sur 'Tin Pan Boy') que de folie (les ululements de 'Tin Pan Boy', les accentuations sur le titre 'Anarchist' qui plairont à John Lydon) ou de faiblesse (les refrains faussement candides de 'I Love You, Will You Marry Me'). Les paroles détonnent et révèlent un auteur assez critique sur la société : 'Tin Pan Boy' par exemple fustige le cynisme des entrepreneurs qui pour quelques livres en plus n'hésitent pas à sacrifier des rues historiques.
L'artiste qui débute tend en général à rester confiné dans un genre pour trouver son identité propre. Si l'univers est suffisamment dominé, il est capable de montrer d'infimes évolutions qui pourraient se concrétiser dans le futur par un enrichissement artistique. C'est le cas de 'Polygraph Eyes', ballade nocturne porté par ses nappes de claviers et un chant poignant avec à la clé un refrain en or qui pourrait lui assurer quelques passages à la radio. En outre, la chanson évoque le harcèlement sexuel dont sont victimes les jeunes filles le samedi soir. A l'inverse, 'Anarchist' apparaît moins flamboyant.
Yungblud a tout du gendre idéal. Un univers personnel bariolé, un grain de folie et une volonté de nous inviter à le suivre dans son chant sinueux. Ce premier album est peut-être la première relique d'un artiste appelé à se faire un nom et capable d'injecter un peu de sang frais dans le paysage musical actuel, un peu tristounet. La suite au prochain EP.