Le 21 mai 1993, Christian Décamps délaissait Ange pour venir interpeller en solo le public de la Salle Georges Brassens de Beaucourt (Territoire de Belfort). Ce "Ouanne Mane Chaud", filmé par les caméras de France Besançon, restera sans doute un témoignage unique de la folie et du génie de celui qui est, n'ayons pas peur des mots, le père de tout le rock progressif théâtral français.
Seul sur scène le grand Décamps se livrait ce soir là à un exercice de style mêlant sketchs et chansons. Entré en piste comme un auguste, l'angélique Christian harangue la foule comme un Raymond Devos. Son art de la diction le rapproche d'ailleurs du colossal comique et, que ce soit en vers ou en prose, la magie opère. Pour peu que l'on soit sensible aux jongleurs verbaux, on se laisse captivé par les clowneries qui alternent avec la tendresse et la trivialité. Christian est un beau parleur et un auteur digne d'un Boris Vian.
Lorsque maître Décamps délaisse la langue de belle-mère pour saisir sa guitare ou plaquer quelques accords sur son clavier, c'est avec un plaisir énorme qu'on se replonge dans son répertoire chanté. Les fans d’Ange auront le plaisir d'entendre l"Ode à Emile" et deux reprises de Brel ("Mon enfance" et "Ces gens-là"), mais dans l’ensemble, ce sont des titres souvent méconnus que l’artiste offre à un public conquis. Ce show est comme un mille-feuille où se superposent les couches de mélancolie, de rire, de poésie, de chanson, de gauloiserie, mais tout au long de ces 100 minutes de spectacles, pas une fois le spectateur s'ennuie.
Avec sa présentation dépouillée et son absence de bonus, ce DVD ne livre que le strict mais essentiel témoignage d'un grand moment de scène que seul Christian Décamps pouvait nous offrir. Nous ne pouvons que nous réjouir que Musea ait eu l'idée de ressortir en 2005 ce show bouillant qui vaut plus par son coté historique que par ses qualités musicales. A réserver donc aux accrocs du chantre belfortin.