Depuis le dernier album en présence de Nick D'Virgilio, "X" en 2010, Spock's Beard est dans une dynamique musicale fertile. Les arrivées du chanteur Ted Leonard et du batteur Jimmy Keegan, loin d'avoir infléchi cette tendance, l'ont confirmée dés "Brief Nocturnes And Dreamless Sleep" en 2013. Trois ans après le solide "The Oblivion Particle", le groupe se reconfigure une nouvelle fois et voit le retour en ses rangs de son batteur originel. La composition de "Noise Floor" a débuté avec la volonté de proposer un album à l’approche plus aisée que pour l’exigeant "The Oblivion Particle". "Noise Floor" est une œuvre aussi individuelle que collective car chacun des musiciens a travaillé de son côté pour ensuite proposer ses idées au reste du groupe.
Le début de "Noise Floor" valide totalement le cahier des charges avec un kansasien ‘To Breathe Another Day’ hyper-calibré et délesté de tous ses éléments progressifs et deux formats pop-rock-folk de bonne facture. On s’étonnera tout de même de l’introduction de ‘What Becomes Of Me’ bien écrite et qui nous ramène huit ans en arrière dans l’univers de "X" mais sans corrélation évidente avec le reste du titre. Spock’s Beard reste toutefois expert dans les finitions qui se manifestent dans nombre de détails que l’on prend plaisir à découvrir au fil des écoutes successives, comme par exemple les arrangements de violoncelle de ‘Somebody's Home’ qui nourrissent les espaces entre couplets et refrains sans surcharger les compositions.
De détails, le long ‘Have We All Gone Crazy Yet’ qui s’étire sur huit minutes n’en manque pas. Mais ce titre, qui pourtant s’enrichit d’une introduction enlevée, d’un refrain entêtant et instantané et d’un cœur instrumental contrasté, ne parvient pas à se hisser au niveau de ce qu’est capable de composer Spock’s Beard en termes de créativité et d’ingéniosité harmonique. De même, la ballade beatlesienne 'So This Is Life' a la vertu d’afficher le savoir-faire orchestral du groupe mais plombe un peu plus un album qui a déjà du mal à s’élever et surtout elle tire en longueur avec un second solo de guitare dispensable. La dynamique repart avec la meilleure partie du disque qui voit Spock’s Beard renouer avec sa nature profonde avec un puissant et progressif ‘One So Wise’ bien équilibré dans son caractère épique et sa folie musicale, un original et sombre ‘Box Of Spiders’ dans la grande tradition beardienne de l’instrumental et le touchant ‘Beginnings’ aux magnifiques chants entrecroisés qui atteint les sommets émotionnels de l’album.
Spock’s Beard réussit le pari de proposer un treizième opus dont l’immersion est facilitée par rapport à son prédécesseur avec une grosse première moitié qui ne marquera pas la carrière du groupe placée sous le signe du pop-rock-folk et une seconde partie plus progressive qui relève le niveau global de l’album. "Cutting Room Floor", l’EP qui accompagne "Noise Floor", est constitué de quatre titres courts et plaisants (dont un instrumental) mais sans réelle valeur ajoutée. L'ensemble de "Noise Floor" est à aborder en sachant que son dénominateur commun est l'efficacité musicale. Le génie dont est capable Spock’s Beard est quant à lui trop rarement à l’œuvre dans "Noise Floor".