Si certains groupes portent des noms énigmatiques, d'autres au contraire affichent résolument la couleur : tel est le cas de Project: Patchwork. "Project" car l'entité n'est pas un groupe au line-up clairement déterminé mais le projet de deux hommes se surnommant eux-mêmes le corps, Peter Koll qui s'occupe principalement de l'enregistrement et du montage, et le cerveau, alias Gerd Albers, multi-instrumentiste et compositeur. "Patchwork" car le duo fait appel à une pléiade d'intervenants pour interpréter des compositions allant de l'atmosphérique au metal progressif.
Trois ans après un premier opus baptisé "Tales from a Hidden Dream", revoilà notre duo avec un second album sous le bras, "ReFlection", qui reprend les choses là où les avait laissées son prédécesseur. Cette affirmation tient même de la litote tant le second semble calqué sur le premier. Les compositions renouent avec un néo-prog parcouru de metal progressif, avec une place assez importante accordée à ce dernier, et parfois teinté de touches folk. Si l'on ajoute quelques crochets par l'AOR (' Yearning for Confraternity') ou le hard rock (' Of Sheeps and Wolves', ' A Winter's Tale'), on se dira qu'il y en a pour tous les goûts.
Oui, mais encore faut-il bien maîtriser cette variété de styles, au risque sinon de manquer de cohérence. Et c'est malheureusement un piège dans lequel Project: Patchwork tombe assez régulièrement. La plupart des titres passe d'un style à l'autre sans que le groupe ne fasse de réels efforts de transition, laissant une impression de décousu. 'Struggle and Agony' par exemple fait sans arrêt le yo-yo entre metal et folk, opposant guitares furieuses/chant masculin rauque à une voix féminine limpide accompagnée d'une guitare acoustique et d'une flûte, se contentant d'accoler les deux univers dans un découpage un peu abrupt.
C'est d'autant plus dommage que certains thèmes sont superbes, que l'opposition de registres calmes et soutenus est souvent gage de réussite et que le disque est traversé de nombreux solos de guitare dantesques, d'arpèges délicats de guitare acoustique, de parties de piano cristallin, de saxophones échevelés et même d'une flûte pastorale qui raviront l'auditeur. Mais aussi de quelques idées moins inspirées comme cette narration d'une voix profonde qui ouvre l'album de manière bien peu originale (' Pre|Flection'), le break pop de 'Worried Citizens' qui nous rappelle au bon souvenir d'Abba, le chant féminin bien trop léger de ' First Disorder', ne faisant pas le poids avec les guitares, ou encore la mollesse du chant masculin sur 'Of Sheeps and Wolves' dont l'introduction à la Supertramp laissait espérer mieux.
C'est finalement le titre le plus simple de l'album qui s'en tire le mieux. 'Fear of Loss' ne part pas dans tous les sens mais reste fidèle à un seul thème musical dans un style proche de "The Lamb Lies Down On Broadway" (Genesis) des plus agréables.
Ceux qui avaient apprécié "Tales from a Hidden Dream" pourront aimer "ReFlection" pour peu qu'ils ne s'attendent pas à grand-chose de différent. Mais avec le potentiel dont semble disposer Project: Patchwork, l'auditeur exigeant ne pourra qu'être déçu du manque d'audace et de cohérence de ce nouvel album.