A peine six mois après son premier album, "Meta", Christiaan Bruin nous revient avec le second opus de son projet solo Inventions sous le bras, baptisé "Curiosity". Rappelons qu'Inventions est un projet original basé sur un abonnement donnant droit à l'écoute d'un nouveau titre tous les quinze jours, ceci expliquant la rapidité à laquelle Christiaan Bruin peut se permettre de sortir ses albums.
Néanmoins, le procédé peut inquiéter. Le caractère un brin industriel visant à composer une nouvelle chanson tous les quinze jours peut mal s'accommoder des supposées affres de la création auxquelles des artistes tourmentés nous ont habitués. Il est rare en effet de prendre ainsi rendez-vous avec sa muse et que celle-ci vous fréquente avec suffisamment d'assiduité pour que le résultat s'avère convaincant.
Et pourtant Christiaan Bruin arrive à éviter cet écueil en nous livrant une nouvelle fois une production de qualité. Si celle-ci renoue avec certains traits de "Meta", ambiance mélancolique et assez dépouillée, voix souvent déformée par des effets, nappes de synthés, intelligente utilisation des crescendos, elle s'en éloigne cependant par l'accès plus immédiat qu'elle offre au travers de compositions facilement accessibles. Là où "Meta" et ses titres teintés d'atmosphérique et de post rock nécessitaient plusieurs écoutes pour s'en imprégner, "Curiosity" dévoile à l'auditeur ses merveilles fleurant assez souvent une new wave façon Ultravox dès la première fois.
La recette est simple : de petites mélodies toutes bêtes, sans aucune complexité, qui déroulent leur alternance de couplets/refrains sur des durées assez courtes. Sur la rythmique souvent répétitive et syncopée, en contretemps, viennent se greffer le gimmick d'un clavier ou, plus rarement, d'une guitare et par-dessus le chant caractéristique de Christiaan Bruin qui réussit le tour de force de donner l'impression de chuchoter et de hurler simultanément.
La qualité des mélodies fait le reste. Car si les lignes mélodiques sont simples, voire simplistes, elles n'en sont pas moins très attrayantes, prouvant qu'il n'est pas utile de faire compliqué pour faire beau. Enfin, de nombreuses petites touches originales viennent parfaire l'ensemble : nappes de claviers majestueuses ('The Penrose Steps'), violon ou violoncelle mélancolique (le poignant 'Deep Thought', le tout aussi mélancolique 'The Same River Twice'), vocalise irréelle d'une voix féminine ('Kites and Darts') ou thème choral grandiose à la Ennio Morricone ('The Same River Twice') qui vous filent l'un et l'autre le frisson.
Seul bémol, l'album un peu trop homogène dégage comme son prédécesseur une certaine linéarité qui pourrait confiner à l'ennui lorsque l'inspiration se fait moins présente (le dispensable ' Through the Needle’s Eye' par exemple). Une nouvelle fois, Inventions réussit à éviter de sombrer dans ce travers. Néanmoins il faudra que Christiaan Bruin soit attentif à renouveler en profondeur ses effets pour son troisième opus s'il ne veut pas que celui-ci soit celui du déclin.