La précédente chronique se terminait par la phrase suivante :"Reste à espérer ne pas attendre sept années supplémentaires pour se délecter de la prochaine offrande. Carptree Diem". Eh bien soit Carptree nous lit et prend en compte nos vœux, soit le groupe retrouve un nouvel élan créatif rapproché comme il en avait l'habitude car c'est un peu plus d'un an après "Emerger" que le duo suédois produit son nouvel album "Subimago". La modestie et surtout l'écoute de ces compositions conduisent à choisir la seconde option.
Rentrer dans l'univers de Carptree s'avère certes difficile : la voix de Niclas est singulière et une densité importante dans chaque piste donne à la musique un aspect symphonique exacerbé pas toujours simple à suivre ou à s'en imprégner. Mais une fois toute cette concentration musicale apprivoisée, un monde fascinant s'offre à l'auditeur.
Et ce n'est pas avec le premier titre que tout va se simplifier. 'Welcome' s'avère extrêmement sombre avec son refrain et son orgue qui pourrait servir de musique d'entrée d'une fête foraine fantastique imaginée par Tim Burton. Mais n'ayez crainte, si vous avez été quelque peu hermétique aux précédents albums, avec un effort moins dense vous rentrerez plus facilement dans ce nouvel opus.
Si 'Emerger' contenait son lot de morceaux complexes et alambiqués, 'Subimago' semble plus concis tout en gagnant en mélodies plus aisément assimilables. Carptree atteint ici une apogée dans le style qu'il a construit patiemment au fil des sorties et qu’il est quasiment devenu le seul à maîtriser en flirtant avec un quasi sans-faute. Tels des orfèvres, les Suédois parviennent à renouveler leur inspiration et taillent des compositions subtiles avec comme base toujours ces nappes de claviers intenses que n'aurait pas reniées Tony Banks. Comment ne pas voir le clin d’œil à 'Abacab' dans 'By Your Own Device' dans le pré-refrain qui lance un chorus agressif avec son riff de guitare sublimé par ces magnifiques chœurs féminins qui rehaussent la dramaturgie. Niclas n'a probablement jamais aussi bien chanté que sur cet album. Sa voix participe à imprimer l'identité du groupe, reconnaissable entre mille.
Ce nouvel album contient des pépites mélodiques plus directes, délicates et profondes d'une intelligence rare. 'Instead Of Life' représente l'exemple même de cette quintessence. Carl laisse de côté ses synthétiseurs pour prendre place derrière le piano et livre des accords mélancoliques touchants avec l'intervention d'une chorale qui rappelle les Blind Boys Of Alabama. Plus synthétique, 'Someone Else's Play' prouve qu'en quatre minutes on peut faire un titre progressif limpide et efficace.
Mais Carptree n'abandonne pas les titres plus longs tout en restant dans un timing relativement ramassé où les guitares et les claviers s'enchevêtrent de façon limpide. Le duo se fait agressif dans ' Eye Of Storm' où Niclas semble presque growler dans une sorte de tempête avant le calme illustré par ses parties acoustiques plus légères jusqu'au final en guise de bouquet final qui rappelle les belles heures de Magic Pie période "Circus Of Life". 'Sum Of Sense' clôture cet album de façon toujours aussi dramatique et avec une tension où la rythmique joue un rôle primordial, alternant les passages rapides et plus calmes.
Inutile de poursuivre la liste des autres titres, vous avez conclu vous-même que cet album est une nouvelle fois un joyau progressif qui se distingue des productions actuelles non seulement par le style bâti par le groupe depuis des années mais surtout par sa qualité intrinsèque. 'Subimago' permet à Carptree de rentrer définitivement au panthéon des plus grands groupes de rock progressif.