Monotheist est une réunion de musiciens venus des Etats-Unis, intègrant un peu de Ne Obliviscaris ou Nami sur les bords, un peu de Cynic de-ci de-là, un peu Necrophagist par moments ainsi que quelques touches de progressif moderne, bref du prog et surtout du death puissant et vénéneux. Au croisement d'influences antinomiques avec à ma droite le death old school âpre et teigneux et à ma gauche le metal progressif, Monotheist poursuit sa route rectiligne entre ces deux influences, pioche à droite et à gauche et produit ainsi une musique savante, mélancolique, violente et poisseuse.
Les cinq musiciens offrent avec "Scourge" une musique alambiquée qui transgresse les genres. Toutefois dans ce courant, peu nombreux sont ceux qui osent l'érection de structures alambiquées, qui invitent un saxophone à se joindre aux guitares noires, qui mêlent une flûte légère et des rythmiques marteau pilon. Monotheist ose les rencontres improbables, laissant ainsi encore plus planer sur eux l'ombre gigantesque de Ne Obliviscaris.
Mais bien que marqué au fer rouge du progressif, l'opus débute par du sang, de la sueur et de la violence ('The Grey King') : blast dantesque, voix d'outre-tombe, riffs épileptiques dissonants. La base death est donc bien présente, le groupe ayant certainement été biberonné aux Death, Morbid Angel, Carcass et autres. Puis de manière inattendue, la tempête se calme et laisse place à un moment de grâce à la beauté diaphane où le temps suspend son vol, où seuls les arpèges soyeux résonnent dans une cathédrale sonore immaculée. Ensuite la guitare solitaire dépose des phrases impressionnantes de vélocité et de technicité, des lignes mélodiques suaves dignes de John Petrucci.
'The Great Chain at the Neck of the Earth' arpente les mêmes chemins sombres : le blast est omniprésent, les cris sont inhumains ou caverneux. Alors un intermède aérien laisse libre cours aux émotions avec une fois encore un passage soliste plein de sensibilité et de technique.
'Mark of The Beast Pt 1. - The Image' tranche littéralement... Oubliez vos repères, laissez de côté les geysers de lave en fusion, écoutez ce violon mélancolique qui tisse une toile musicale et construit un tapis de mélodies qui s'unissent, se désunissent et se complètent (l'âme de Jean-Sébastien Bach habite ces instants). Quant à la seconde partie du diptyque, elle replonge à corps perdu dans les flots glacés et sombres lorsque les riffs acérés s’enchaînent, les éructations infernales et les parties de guitare d'anthologie s'imbriquent, une manière d'enfoncer les clous de ce cercueil musical. L'esprit de Necrophagist plane aussi sur ces instants magiques avec des sweeping propres et impeccables.
L'opus semble ensuite renouer avec un jazz / death propre à Cynic quand la batterie devient plus souple, quand la guitare modale délivre une multitude de lignes mélodiques ('Infinite Wisdom') ou quand la wah-wah hendrixienne nappe l'espace sonore de notes brûlantes ('Desolate It Mourns Before Me'). Finalement 'Scourge' qui débute de manière presque folklorique et champêtre par une flûte éthérée laisse petit à petit la chaleur inonder cette dernière étape : riffs assassins, métriques alambiquées, guitares lumineuses et climats étouffants, crasseux et sombres.
"Scourge" est une réussite qui propose un death alambiqué où se marie une variété de styles et d'instruments, sans jamais tomber dans la caricature. Mais c'est bien naturel car avant d'être progressif, Monotheist est death jusqu'au bout des ongles, construisant ainsi une musique tribale qui vient des tripes, des partitions brutales et animales qui clouent l'auditeur aux murs. Quel plaisir alors de découvrir Monotheist, fils spirituel de Cynic !