Vous ne vous êtes jamais demandé quelle mouche avait piqué les membres de La Danse du Chien pour se choisir un patronyme aussi ridicule ? Il sonne comme une blague de carabin, au point que l'auditeur se dit qu'il ne saurait en aucun cas prendre ce groupe français au sérieux au moment où celui-ci sort son quatrième album "Monsters and Mermaids".
'Rise' placé en éclaireur plante le décor avec l'entrée progressive des instruments et de la voix. Portée par son riff lancinant de guitare, l'ambiance est très sudiste. Le blues s’affiche d’emblée sans erreur possible sur la marchandise, les guitares sont poisseuses, les coups collent au plus près des caisses claires résonnant comme ceux d'un sorcier, le saxophone un peu jazzy rugit ('Summerless', 'Lie To Me', 'Gone'). La voix pleine de gouaille, grave à couper, au couteau, déformée (on dirait un homme politique éructant de fausses promesses sur 'Lie To Me') se pose comme évidente, proche de ce que pouvait faire le Captain Beefheart. Pour autant, il ne s'agit aucunement de singer une gloire historique du genre, la voix de notre chanteur traduit toutes les frustrations et extériorise une énergie très communicative (écoutez 'Primitive', un exercice de style qui aurait pu être bancal avec tous ses clichés (voix rauque, guitare dure, harmonica) mais qui s'avère au final un tour de force grâce à son jouissif pont musical). L'alchimie entre les musiciens est tout autant prodigieuse que généreuse, faisant sentir que chacun a pris du plaisir à jouer ensemble et à recréer la bande d'un territoire sonore qui n'en finit pas encore aujourd'hui d'être exploré.
Ce qui frappe chez La Danse du Chien, c'est cette capacité de créer une atmosphère en un clin d'œil comme avec le saxophone nocturne sur 'Strange Fruits'. Même si le genre est très balisé, nos Français nous prouvent qu'ils sont capables à tout instant de le réinventer, comme si le blues n'avait pas tout dit. 'Diposophobia' et son débit vocal de mitraillette et sa guitare saturée lorgne du côté de Grinderman. 'Still Waters' avec son hypnotique introduction de percussions ouvre grand les portes de la perception tout en laissant planer la menace de serpents à sonnette. Le choix de reprendre un classique d'Iggy Pop ('I Wanna Be Your Dog') et de le tacher à la sauce blues était un pari risqué duquel le groupe se sort haut la main avec sa verve, sa batterie énergique et ses arpèges de guitare (impossible de ne pas taper du pied sur le refrain que vous allez redécouvrir sous une nouvelle lumière), sans oublier ses truculents aboiements. 'Room 25' se fait mordant avec son saxophone et son atmosphère asphyxiante, qui pourrait faire la joie des films indépendants. Mais c'est bel et bien le morceau final construit comme un petit court-métrage (s'achevant a capella avec le bruit du ressac) qui permet au groupe de rendre une copie nette, originale et sans fioritures.
"Monsters and Mermaids" ne limite pas le blues à un décor standardisé qui voudrait rester conforme à ses modèles. Il emprunte au contraire un chemin plus original et y apporte une touche personnelle tout à fait bienvenue.