En effet le nom Sendwood va à la musique des deux frères d’armes comme un gant qui ne laisserait apparaître que le majeur. L’album envoie du lourd et ne semble répondre qu’à un seul mot d’ordre : ça passe ou ça casse. De toute façon, le groupe s’en fiche comme de son premier jeu de cordes. Même si au détour de certains titres, notamment les trois instrumentaux ‘Riffocephalus Minus’, ‘Riffocephalus Medius’ et ‘Riffocephalus Rex’, le vernis rock laisse transparaître une sous-couche plus sombre, plus résignée, un certain pessimisme caractéristique de la musique grunge.

Car sous bien des aspects, "Fist Leaf" apparaît comme le descendant moderne d’un rock brut et sans fioriture né dans les caves des bars enfumés pendant les années soixante. Le garage rock et ses fameux riffs à la pédale fuzz coule dans les veines de Sendwood (‘Demon’, ‘Ber’) autant que le punk rock débridé qu’il a engendré (‘Needle’, ‘Leash’) et le grunge qui fut son ultime avatar (‘Penny’, ‘Gun’). A grands renforts de riffs rageurs et de batterie puissante, c’est bien cet esprit garage et grunge qui domine l’album, une énergie du désespoir maquillée en fausse nonchalance, une envie d’en découdre avec la musique, même avec peu de moyens et en enregistrant dix titres en deux jours.

La sincérité et l’audace de "Fist Leaf" ont cependant leurs limites. La première est qu’il est difficile de jouer du rock sans bassiste. Sendwood le sait et a souvent recours à l’octaver pour permettre à la guitare d’atteindre les basses fréquences (‘Riffocephalus Minus’, ‘Demon’, ‘Needle’). La seconde est que le sentiment d’urgence qui domine l’album lui confère un aspect brouillon parfois mal maîtrisé et un peu bâclé (‘Gotham’).