Nouvelle signature des têtes chercheuses de Season Of Mist, Erdve crache avec "Vaitojimas" son premier rot. Ce qui ne s'entend absolument pas tant ses qualités semblent être le résultat d'une longue expérience, preuve en est encore une fois du haut niveau que les jeunes pousses étalent désormais effrontément, loin des balbutiements et maladresses de jadis.
Cependant, il ne faut pas confondre habileté et inspiration, ce qui n'est pas la même chose. Ainsi nombre d'albums aujourd'hui sont certes très bien faits mais témoignent pourtant d'une imagination en jachère, souffrant d'une fâcheuse carence en idées et en originalité. Or tel n'est pas le cas de ces Lituaniens qui dressent avec une dureté épaisse les couleurs d'une créativité volcanique. Tout cela est bel et bien mais ne répond pas à une question : c'est quoi Erdve ?
A première vue, "Vaitojimas" macère dans le jus du hardcore dont il épouse les caractéristiques rageuses. Biberonné au Destop, le chant déverse un torrent de fiel, les guitares sont corrosives et le tout, robuste et énervé, palpite d'une force intense quasi sismique. Rien de neuf à l'horizon, direz-vous. Oui. Mais c'est en injectant une dose sévère de noirceur charbonneuse ou au contraire en égrenant des instants squelettiques ('Pilnatve'), que Erdve s'élève dans toute son implacable démesure à laquelle procède une architecture meurtrie et tentaculaire, austère et abrasive.
De fait, chacune de ces six pulsations, tendue comme le foc d'un navire, serpente à travers une géographie aussi abrupte que sinueuse, creusée par les rouleaux telluriques d'une batterie qui phagocyte l'espace ('Atraja'). Plainte instrumentale aux allures de respiration (faussement) paisible, 'Apverktis' illustre parfaitement la façon dont le groupe exprime une violence mortifère teintée d'amertume, ouvrant brutalement, après une première partie osseuse et répétitive, les vannes d'une fureur granitique en une fulgurante coulée de lave.
Par la puissance sourde qui le secoue, Erdve délivre un matériau à la fois épileptique et abyssal que l'appellation "blackened hardcore" résumerait assez justement cependant que des racines sludge et post metal ('Isnara') entraînent dans les replis ferrugineux d'une inexorabilité morbide. Une espèce de beauté tortueuse suinte de ce bloc d'une incandescence noire, en une semence visqueuse. Charriant un désespoir poisseux, ces riffs massifs nous engloutissent sous une chape maladive. Ils agissent comme un burin taillant la sculpture d'un monde à l'agonie ('Priervarta').
Selon la formule consacrée, Erdve s'impose d'emblée comme un groupe à suivre de près tant on devine, crépitant dans les profondeurs de son âtre, un nihilisme prometteur.