Dans un monde à qui l'on reproche d'être déshumanisé, la musique est parfois l'un des refuges pour retrouver des émotions primaires que l'on a tendance à dissimuler dans notre collectivité qui donne plus d'importance à l'image qu'au fond. Cette musique est souvent aussi à l'image de la société, multiculturelle. C'est sur ce principe de départ que le projet Stamp est né. Un ensemble d'individualités venant d'horizons différents : jazz, électro, indus, metal, rock qui se mettent au service d'un seul objectif : offrir une expérience sonore originale, peu commune et essentiellement instrumentale
Après avoir étudié et recherché la manière de modeler leur musique protéiforme dans un premier album disponible sur leur Bandcamp, le groupe s'est retrouvé en studio pour composer "Posthuman" afin de pousser encore plus loin leur conception de la musique. A l'image des livres d'anticipation (Huxley, George Orwell, Philip K Dick...), le concept du nouvel album illustre le thème du transhumanisme, c'est-à-dire l'amélioration physique et mentale de l'homme grâce à la technologie et la science (les nanoparticules). Un thème passionnant à mettre en musique, au fort potentiel cinématographique, dont l'immersion est ici accentuée par les nombreux samples en versions originales d'extraits de films ("Bienvenue à Gattaca", "La Mouche", "L'échelle de Jacob", "Ghost In The Shell") qui jalonnent l'album.
Le choix de s'orienter vers la musique instrumentale est loin d'être fédérateur. Pourtant si certaines parties ne sont pas immédiatement assimilables ('As Above So Below'), le groupe parsème chaque morceau de moments mélodiques qui facilitent la compréhension du concept dense et très riche. L'auditeur est pris en main dès 'Posthuman' aux accents world music avec son ambiance orientale répétée sous plusieurs formes (traditionnelle, électro, rock) à laquelle s'intègre d'une ligne de saxophone de toute beauté. Cette référence internationale se retrouve dans plusieurs morceaux dont le titre final 'Postumat' porté par les arpèges du saz (luth turc) qui apporte à la musique de Stamp une grande humanité.
Les compositions s'orientent parfois vers le progressif avec des titres plus longs comme 'Amour Fou' qui offre une construction plus complexe avec des changements de rythme incessants. Après une introduction planante et toujours sur une base orientale à laquelle succèdent des breaks électro indus’, le titre s'oriente vers du free jazz de folie digne des travaux de Theo Travis pour finir sur un thème atmosphérique. Rendre limpide ce qui ne l'est pas, tel est le credo de Stamp pour peu que que l'auditeur oublie tout ce qu'il connaît et écoute habituellement. Le progressif n'est pas loin non plus dans l'oppressant 'Biotech' proche de Nine Inch Nails avec des parties dark wave bruitistes (à la Steven Wilson de "Insurgentes") ou dans 'As Above So Below' ou s'entremêlent saz et sax dans un final dantesque.
Conceptuel, "Posthuman" est un album d'anticipation qui place l'humain au centre du projet de Stamp dont le seul reproche serait d'être peut-être trop précis, intellectuel et manquant quelque peu de spontanéité. Qu'importe la précision chirurgicale dont il fait preuve, le groupe livre ici un album audacieux qui apporte du sang frais dans une production musicale hexagonale souvent trop aseptisée et peu aventureuse. "Posthuman" constitue l'alpha et l'omega de la musique : l'intelligence et l'émotion.