Après un premier EP paru en 2016, Crossfire, duo franco-britannique constitué d'Allison Mareek et Etienne Prieuret, sort son premier album, "Drifting Ashore", véritable invitation au voyage.
Dès les premières mesures, l'auditeur sait qu'il vient de pénétrer dans un terrain blues, terrain à première vue diablement accueillant : ´Hard As They Try´ dessine un paysage fantomatique à la moiteur poisseuse à peine rafraîchi par la guitare acoustique. A la façon d'un Little Hurricane, "Crossfire" va nous entraîner dans une aventure écartelée entre la tradition blues et une interprétation personnelle. Si des titres comme 'Empty Minds & Prayers' avec son solo de guitare rouillée et désespérée ou encore le long titre éponyme, réduisant le blues à un squelette desséché, s'inscrivent avec brio dans le genre, le groupe fait très vite preuve d'un besoin de ne pas se laisser circonscrire dans une étiquette. La porte de sortie prise est celte : l'esprit irlandais plane sur 'Buffalo', sur la chevauchée 'Damage Goods (I Won't Settle For)' ou encore sur 'The Things We Shouldn't Say' où le violon se marie avec allégresse à un solo de guitare acoustique planant. Car l'oppression n'est pas omniprésente, le groupe nous régale avec de véritables instants de poésie comme 'Common Sound', 'Colours' avec sa mandoline ou 'A Better Home', qui permet au voyage de connaître une conclusion apaisée.
Cette idée d'alternance se retrouve dans la nature du groupe : nous avons un duo articulé entre le masculin et le féminin. L'interprétation féminine d'Allison Mareek est sauvage ('Hard As They Try') mais peut se montrer émouvante ('Buffalo') ou proche du protest-song sur la reprise de Bob Dylan, 'Masters Of War', proche d'une Bobbie Gentry. La voix grave d'Etienne Prieuret se montre un peu plus calme comme sur 'Song To The Fisherman', un folk blues avec violon. L'auditeur se réjouira de pouvoir assister à la réunion des deux sur 'Feathers' et 'Common Sound'. A l'inverse 'Empty Minds and Prayers', dédié aux victimes de la barbarie, se montre plus mélancolique. Si la balance penche en faveur du féminin, l'enchaînement entre les deux voix est bien géré, à la façon d'un Dead Can Dance.
Premier album et bonne pioche de Crossfire qui invite l'auditeur à le suivre dans son sillage pour une traversée de paysages désolés et mélancoliques mais sur lequel rayonne un soleil qui n'a rien d'accablant. La musique est une invitation au voyage sous toutes ses formes, nul doute que Crossfire ne s'inscrive comme une agence de voyage sonore.